Les députés de la 9e législature de l’Assemblée Nationale du Bénin ont adopté ce jeudi 13 mars 2025, sous l’œil du gouvernement représenté par le Ministre de la Justice, Yvon Détchénou, la loi n°2025-09 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin. Examinée et adoptée par les députés présents et représentés avec 18 voix contre, cette loi fait du Bénin, un pays qui compte désormais seize (16) royaumes, quatre-vingts (80) chefferies supérieures et dix (10) chefferies coutumières.
Il était dans le tuyau du palais des gouverneurs depuis quelques mois, le projet de loi portant organisation et fonctionnement des chefferies traditionnelles au Bénin. À la faveur de la séance plénière de ce jeudi, sous l’autorité du Président Louis Gbèhounou Vlavonou, il a été enfin examiné et adopté. Selon le président de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme, Orden Alladatin, ce projet de loi, soumis à l’examen des députés par le gouvernement, vise essentiellement trois objectifs fondamentaux : définir un cadre juridique pour le pouvoir des autorités de la chefferie traditionnelle, conférer une reconnaissance légale aux chefferies traditionnelles existant sur le territoire béninois (en fixant les règles garantissant leur organisation et leur rôle dans le développement socioéconomique du pays) et reconnaître leur contribution à la cohésion sociale et à la préservation des identités culturelles. En outre, a-t-il précisé, le rapport présenté qui est une réforme émanant du gouvernement, prend également en compte les spécificités des chefferies coutumières de type clanique notamment dans les régions de l’Atacora-Ouest et de la Donga.
La charpente de la loi
La loi n°2025-09 portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin, selon le rapport, est élaborée autour de 47 articles organisés en 06 titres. Pour parvenir à l’organisation qui délimite désormais le Bénin en seize (16) royaumes, quatre-vingts (80) chefferies supérieures et dix (10) chefferies coutumières, la commission s’est basée sur des critères définissant les sociétés traditionnelles, l’espace géographique, le type de pouvoir, son niveau de concentration, le type de société et son niveau de différenciation. Les principaux concepts ont été par ailleurs définis sur la base des données doctrinales (histoire et socio-anthropologie) et des réalités socio-historiques vécues dans les sociétés traditionnelles du Bénin. Ces critères ont été enrichis et nuancés par endroits, a-t-on appris. Ainsi, dans les sociétés à pouvoir non centralisé, le chef religieux a un titre qui varie selon le groupe socioculturel considéré. « Les sociétés à pouvoir centralisé sont non seulement basées sur des classes d’âge, mais elles sont aussi stratifiées », a mentionné le rapport de la Commission des lois.
En ce qui concerne la typologie des chefs dans l’organisation type proposée, elle a retenu également les points tels que la période de référence précoloniale (1894 pour le Bénin méridional et 1897 pour le septentrion). Ainsi, considérant tous ces critères, les catégories de chefferies traditionnelles identifiées par la Commission des lois sont les chefferies centralisées (royaumes), les chefferies peu centralisées (chefferies supérieures) et les chefferies non centralisées (chefferies coutumières).
Au Bénin, qui est désormais roi, chef supérieur ou chef coutumier ?
Au regard de cette catégorisation et dans chacun des royaumes identifiés, selon le rapport présenté aux députés, l’autorité traditionnelle est assurée par le roi. Dans chaque chefferie supérieure, l’autorité traditionnelle est assurée par le Chef supérieur. Et enfin, dans chacune des chefferies coutumières, l’autorité traditionnelle est assurée par un chef coutumier. Ceci, conformément aux dispositions des articles 5, 6 et 7 de la loi adoptée. « Toute personne qui représente l’autorité traditionnelle au sein des formes d’organisations sociales non répertoriées dans ces articles précités est dénommée chef communautaire ». C’est du moins ce que précise l’article 8 de la loi adoptée par les députés.
16 Royaumes, 80 chefferies supérieures et 10 chefferies coutumières…
Sont désormais reconnues comme royaumes en République du Bénin les chefferies traditionnelles suivantes : Allada, Bassila, Bouè, Danhomè, Dagbo-Ahomey, Hogbonou, Igbo Idaatcha ou Dassa, Itakété ou Sakété, Kétou, Kika, Kilir ou Djougou, Kpanné ou Kouandé, Nikki, Sandiro, Savalou, Tchabè ou Savè (article 5).
Sont reconnues comme chefferies supérieures dépendantes ou non à pouvoir moyennement centralisés, les chefferies traditionnelles ci-après : Watchi de Comè, Sahwè de Doutou dans Houéyogbé, Idjè, Kotafon dans Lokossa, Dangbo, Kpawignan, Soclogbo, Gbaffo, Dovi-Somè, Agouagon, Gbowélé, Tchahounkou, Tio, Ouèdèmè dans Glazoué, Assanté, Don, Gounli, Doga, Agonvè, Kpankou, Zagnanado, Agonlin Houégbo, Tori Bossito, Adjarra, Kétonou, Ekpè, Avrankou, Koutago, Logozohè, Monkpa, Doïssa, Aklankpa, Ouèssè, Mondji, Hwlagan dans Grand-Popo, Agoué, Hlassamè, Azovè, Aplahoué, Lalo, Adjahonmey, Djakotomey, Mokollé, Manigri, Igbèrè, Wannou, Kikélé, Igbomakro, Doguè, Bantè, Adja-Ouèrè, Korokou à Parakou, Kandi, Darou, Kpara, Pèrèrè, Kalalé, Basso, Gbassi, Sinendé, Saoré, Gbengbérégué à Bembèrèkè, Bouanri, Guéra N’Kali, Sèkèrè, Tchaourou, Mora Wonkourou, Tanno, Kabo, Waria, Kokobé, Kpané, Yinsi, Diguidirou, Guina Gourou, Birni, Kérou, Wassa, Karimama, Guéné (article 6).
Sont reconnues comme chefferies coutumières à pouvoir non centralisé les chefferies traditionnelles ci-après : chefferie des Batammariba, la chefferie des Bialbè, la chefferie des Foodo, la chefferie des Gulmancéba, la chefferie des Lokpa, la chefferie des Mbelmè, la Chefferie des Natemba, la chefferie des Yowa, la chefferie des Tem et la chefferie des Waaba (article 7).
Conditions de désignation, avantages, incompatibilité…
Les candidats à la fonction royale, à la fonction de Chef supérieur et à la fonction de chef coutumier sont désignés conformément à des critères en lien avec les us et coutumes de chaque localité. C’est du moins ce que mentionnent par ailleurs plusieurs dispositions de la loi adoptée. Cette loi accorde également beaucoup d’avantages et de privilèges aux rois, aux chefs supérieurs et aux chefs coutumiers. En effet et selon les dispositions de l’article 33, aliéna 2 de la loi adopté, « l’État peut accorder au roi, au chef supérieur ou au chef coutumier ou à chaque chefferie traditionnelle, une allocation selon les conditions et modalités fixées par voie règlementaire ».
Selon les dispositions de l’article 16 de la loi adoptée, « tout citoyen qui remplit les conditions héritées de la tradition peut être choisi comme roi, chef supérieur ou chef coutumier ». L’article 17 de la même loi précise toutefois que : « nul ne peut exercer les fonctions de roi, de chef supérieur ou de chef coutumier s’il a fait l’objet d’une condamnation par décision judiciaire devenue définitive à une peine afflictive ou infamante, s’il ne jouit de ses droits civiques et politiques ou s’il y a incompatibilité ». L’alinéa 2 du même article précise que « l’exercice des fonctions de roi, de chef supérieur ou de chef coutumier est incompatible avec les activités politiques et l’exercice d’un mandat politique électif ».
Débat général
Lors du débat général, les députés de l’opposition ont salué le travail abattu par la Commission des lois et le comité technique mis en place dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi. Ils ont toutefois estimé que ce projet de loi, de par son contenu, crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Pour leurs collègues de la mouvance présidentielle, il vaut mieux avoir le courage de poser les premiers pas dans le cadre de la réorganisation des chefferies traditionnelles au Bénin. Et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont félicité le gouvernement pour avoir pris l’initiative de ce projet de loi.
Répondant aux préoccupations des uns et des autres, le Président de la Commission des lois a attiré l’attention de ses collègues députés sur la compréhension qu’il faut avoir du contenu du document intitulé « Historicité et espace de pouvoirs traditionnels en République » qui a, entre autres, servi de base pour le travail scientifique qui a été fait. Sur la question d’allégeance soulevée par plusieurs députés dans l’aire culturelle Baatonou, l’honorable Orden Alladatin a rassuré ses collègues que rien n’a changé. « Le roi de Kika va continuer par entretenir les mêmes relations avec le roi de Nikki comme auparavant », a-t-il dit.