Les déclarations du président français sur “l’ingratitude” des dirigeants africains ont été sèchement contestées par le premier ministre sénégalais et le ministre tchadien des affaires étrangères.
Par Cheikh Ousmane Kane
Il est fort certain que Emmanuel Macron, lorsqu’il s’exprimait, les lundi 6 et mardi 7 janvier 2025 derniers, à l’occasion de la 30ème Conférence des ambassadeurs français tenue à Paris, sur l’histoire de la présence des bases militaires dans les pays africains francophones, devrait s’attendre à des réactions.
Le moins qu’on puisse retenir, une nouvelle fois, est que la communication du président français sur un sujet qui lie son pays à l’Afrique a encore fait polémique. « On est parti, parce qu’il y a des coups d’État, parce qu’on était là, à la demande d’États souverains. À partir du moment où il y a eu des coups d’État, où les gens ont dit : « Notre priorité, ce n’est plus la lutte contre le terrorisme, la France n’y avait plus sa place », avait souligné le Chef de l’État français. Une déclaration pour réfuter l’idée selon laquelle l’armée française a été contrainte de se retirer de plusieurs pays africains, notamment le Niger, le Burkina Faso, le Mali, bientôt du Sénégal, du Tchad et de la Côte d’Ivoire. Plus loin, il a affirmé : « Et ensuite, on a décidé, ça c’est le deuxième volet, de réorganiser notre présence militaire. Et donc, nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme on est très poli, on leur a laissé la primauté de l’annonce ».
Il n’en fallait pas plus pour déclencher la furie des gouvernements du Sénégal et du Tchad. Les pays de l’Alliance des États du Sahel préférant le silence. Selon le Ministre tchadien des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah, dans un communiqué lu à la télévision nationale, ces propos du Président de la République française, Emmanuel Macron, reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains. Il a rappelé « qu’il n’a aucun problème avec la France », mais également que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ». « En 60 ans de présence (…), la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien. Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome », a t-il critiqué.
Des affirmations “totalement erronées”
Le gouvernement sénégalais, aussi, n’a pas toléré ces déclarations du Chef d’État français. Le 1er Ministre Ousmane Sonko a qualifié sur les réseaux sociaux de “totalement erronée” l’affirmation selon laquelle le départ annoncé de centaines de soldats français émanerait d’une certaine proposition de la France qui aurait laissé aux pays concernés, pour une probable réorganisation de la présence militaire française, la primeur d’annoncer de tels retraits.
Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, avaient enjoint à Paris de retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée et s’étaient rapprochées de Moscou. Le Tchad et le Sénégal leur ont emboîté le pas par surprise le 28 novembre, mettant fin à l’accord militaire entre Paris et N’Djamena, actant ainsi la fin de soixante (60) ans de coopération militaire depuis la fin de la colonisation française. L’ex-puissance coloniale a compté jusqu’à plus de 5.000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération anti-jihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.