Bénin – Procès de l’affaire Dangnivo : bientôt une levée de l’immunité de Thomas Boni Yayi ?

Yayi Boni Subit des attaques dans le procès DANGNIVO

Le procès de l’affaire Dangnivo a démarré en ce mois de mars 2025. Et depuis, il est mené sur des chapeaux de roues. Alors que le commun des Béninois, ainsi que la famille de la victime, espèrent enfin un dénouement sans tapages médiatiques, les commentaires sur les réseaux et dans la presse font croire à une exploitation de la mémoire du disparu pour des règlements de comptes. De fait, de sources concordantes, nous apprenons que les députés de la mouvance présidentielle s’apprêteraient à faire lever l’immunité de l’ancien Président de la République, Dr Thomas Boni Yayi, pour qu’il soit écouté aussi. Un fait qui pourrait aggraver la crise qui secoue le Bénin actuellement et mener à un échec cuisant du procès.

Après des années de latence, le procès de l’affaire Pierre Urbain Dangnivo a repris à la satisfaction de tous. Que ce soient les membres de sa famille, les avocats engagés, ses anciens collègues ou le Béninois lambda, il s’agit d’une occasion pour la manifestation de la vérité afin que l’âme de la victime puisse reposer en paix. Cependant, beaucoup d’observateurs avertis craignent que ce procès ne dissimule une exploitation éhontée et opportuniste de la mémoire de Pierre Urbain Dangnivo à des fins inavouées. La triste impression qu’ils ont est qu’il a été ouvert pour un objectif tout autre que la recherche des personnes impliquées dans sa disparition et son assassinat. Et ce ne sont pas les indices qui manquent.

Selon des sources bien indiquées, des parlementaires de la mouvance présidentielle, majoritaires, par la voix du député du Bloc Républicain Alassane Séidou, sont sur le point d’émettre une question orale à travers laquelle la levée de l’immunité de l’ex-Chef d’État sera demandée afin qu’il soit écouté dans le cadre du procès de l’affaire Urbain Dangnivo. Sur la toile et dans les médias, la préparation psychologique semble avoir déjà commencé, puisque l’on tente déjà de faire une analogie avec le cas Nicolas Sarkozy en France.

Du point de vue de nombreux observateurs de la politique béninoise, cette manœuvre s’apparente à un règlement de comptes. Il s’agirait non seulement d’une opération menée dans le but d’attiser et d’attirer la colère du peuple sur l’opposition, mais aussi et surtout de préparer sereinement et sans accroc 2026, la ruse et la rage ayant toujours été les techniques choisies.

De la question du timing

Le compatriote Pierre Urbain Dangnivo a mystérieusement disparu en 2010. Le procès de ses présumés meurtriers a commencé avec l’ancien régime. De 2016, année de la prise du pouvoir par le chantre de la rupture, à 2025, ce n’est qu’en mars 2025, à quelques mois de la fin de son dernier mandat, que le procès a été relancé. Une autre tournure lui a été imprimée, redirigeant les soupçons vers le régime de Thomas Boni Yayi.

Nul ne l’ignore, tous les coups sont permis en politique. Ainsi donc, une utilisation de ce procès, par le gouvernement de Patrice Talon, dans le but de discréditer l’ancien régime, serait des plus sérieuses hypothèses. Nous sommes à quelques mois des élections générales de 2026, devant bouter dehors les gouvernants actuels.

On comprendrait très bien que le but est de salir l’opposition en lançant des piques au Président du parti d’opposition Les Démocrates et en le faisant haïr des Béninois.

La sortie de Maitre Olga Anassidé sur le sujet, hier, dimanche 16 mars 2025, n’a convaincu que les naïfs. Toutes les commissions mises sur pied dans le cadre de ce procès ne sont jamais allées au bout de leur mission. Pourquoi maintenant ? Pourquoi à quelques mois des élections ? Pourquoi ce procès à quelques mois de la fin du dernier mandat de Patrice Talon ? Voilà autant de questions que se posent nombre de Béninois, loin de se laisser entraîner par la vague de crieurs d’anathèmes.

Des réponses qui ne répondent à rien !

Au nombre des raisons avancées devant la presse pour justifier le choix du timing de la réouverture du procès, il y a la période COVID 19 qui aurait suffisamment traîné les analyses biomédicales, les difficultés à identifier le corps exhumé et la nécessité d’une contre-expertise pour lever les doutes sur les conclusions initiales. Des raisons absolument discutables qui ne tiennent guère la route.

La justice, depuis 2016, a disposé de suffisamment de temps pour confirmer l’identité des restes exhumés à Womey et ordonner la contre-expertise. Il ne serait pas si pénible de trouver et d’engager un laboratoire. Qu’on ne se voile pas la face. Pour avoir mené tambour battant les procès fast-food de l’histoire de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme, la justice béninoise a démontré que le temps n’a jamais été le problème. Il suffit que subsiste la volonté d’en finir et d’atteindre dans le mille des cibles. Il est donc évident que rien n’a bloqué le processus comme on voudrait le faire croire. Il s’agirait juste d’une opération sciemment programmée en cette date, bien retenue et savamment étudiée, afin d’en tirer de meilleurs bénéfices connus de tout observateur politique averti.

L’entretien accordé par Talon à Jeune Afrique : l’autre artillerie lourde…

Concomitamment à cela, Patrice Talon qui s’était muré dans son silence habituel depuis décembre 2024, date de son discours à polémiques sur l’état de la nation, accorde un entretien à Jeune Afrique qui ne le rend public que trois jours après la reprise du procès. Dans cet entretien, le Président de la République se veut très soucieux du bien-être de la nation. Il rejette tous les échecs de sa gouvernance sur son ancien ami et frère Olivier Boko et promet de maintenir en détention les prisonniers politiques dont Reckya Madougou et Joël Aïvo, au motif qu’il voudrait rester juste et équitable. Patrice Talon avoue également qu’il travaille à trouver un successeur digne de lui et de ses réformes.

La période est très bien choisie par le camp présidentiel pour ce procès et ces déballages afin d’attirer la sympathie (et donc les futurs suffrages) du peuple vers l’heureux élu. Pour qui sait lire entre les lignes, il s’agissait également d’une arme sortie en ces circonstances pour mieux clouer au pilori l’opposition de plus en plus boute-en-train.

La nécessité de dépolitiser le procès

Il faudra dépolitiser le procès de l’affaire Pierre Urbain Dangnivo. Comme nous l’avons dit précédemment, tout le monde voudrait que ça se résolve enfin, mais pas de la mauvaise des manières. La touche politique qui est en train d’être donnée à l’affaire donne l’impression qu’elle ne pourra pas aboutir à la vérité. Il ne faudrait pas en rajouter à la douleur de la famille de Dangnivo qui attend l’issue de ce procès pour faire son deuil.

Les hommes politiques doivent se mettre à l’écart et laisser la justice aller au bout de son travail en condamnant les réels coupables. Il faudrait qu’on cesse d’utiliser la mémoire de Pierre Urbain Dangnivo à des fins politiques.

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