Au Bénin, le gouvernement a organisé du 9 au 10 janvier 2024, la première édition du festival Vodun Days. Un nouveau concept qui chamboule les habitudes de plus de 30 années de célébration de la fête du vaudou. Au lendemain des célébrations, la polémique reste vive.
« Au-delà de la célébration à laquelle nous sommes déjà habitués, il s’agit de faire en sorte que ce soit un événement majeur comme les carnavals dans certains pays. Nous voulons que l’occasion de la célébration de nos religions, signe de notre identité, permette au pays d’avoir davantage de visibilité, de faire venir nombre de touristes et de favoriser aussi les déplacements à l’interne des Béninois qui apprennent à mieux connaitre nos cultures ». C’est ainsi que monsieur Wilfried Léandre Houngbédji, ministre porte-parole du gouvernement expliquait face à la presse le 31 octobre dernier, les Vodun Days.
Quelques heures avant ce point de presse, le gouvernement annonçait cette ‘’restructuration’’ majeure de la fête des religions traditionnelles du Bénin. Une fête sortie de l’esprit du président Nicéphore Soglo, peu de temps après son élection en 1991. Ardent défenseur des identités culturelles négro africaines et principalement de la spiritualité vodoun, le président Nicéphore Soglo avait alors imaginé un grand festival mémoriel dans la ville de Ouidah, pour les afro descendants d’Europe et d’Amérique, un festival qui serait construit non seulement autour du vaudou, mais également sur la mémoire de l’esclavage, « ce crime odieux contre les peuple noire », comme il l’a souvent répété. Mais seule la première édition de ce festival triennal a pu se tenir en 1992. C’était le fameux Ouidah 92 à l’occasion duquel avait été reconstituée la route de l’esclave, et où avait été construit le mémorial de La porte du non-retour.
A défaut de le rééditer, les différents gouvernements qui se sont succédé ont aménagé et entretenu la date du 10 janvier pour permettre aux dignitaires du culte vodoun, à leurs adeptes et à quelques touristes venus du Bénin et d’ailleurs, de se retrouver à Ouidah, pour se recueillir, et se divertir. Ils ne se sont jamais eux-mêmes impliquer directement dans les manifestations, encore moins dans leur organisation.
« Nous allons commercialiser le vodoun »
Mais la situation changera du tout au tout avec l’alternance d’Avril 2016. Le nouveau président Patrice Talon qui a clairement affiché son ambition de faire du tourisme un pilier majeur de l’économie béninoise, n’a pas de complexe à exploiter le vodoun comme la matière première principale de cette stratégie : « nous allons commercialiser le vodoun », lançait-il fièrement en décembre 2016 lors de la présentation de son programme d’actions, le PAG 1. Le ton était donné. Mais il a fallu attendre le dernier trimestre de l’année 2023 pour découvrir le contenu de la nouvelle vision.
D’abord le nom, ce sera les « Vodun Days ». Un anglicisme volontairement choisi pour donner une dimension internationale à l’événement et séduire un public international plus large. Ensuite l’organisation. Exit les professionnels locaux. C’est une agence d’événementiel occidentale qui sera chargée de l’organisation de cette première édition des Vodun Days. L’Agence National pour la promotion du Patrimoine et du Tourisme (ANPT), directement rattachée à la présidence de la république espère ainsi importer le savoir-faire et le carnet d’adresses de professionnels expérimentés sur des événements de cette envergure. Enfin la programmation. Même si elle a laissé une place non négligeable aux arts et aux rituels vodoun, ainsi qu’aux artistes nationaux, l’organisation des Vodun Days a préféré mettre l’accent sur la dimension internationale de la programmation. Les têtes d’affiches des concerts étaient le congolais Koffi Olomidé, la reine de la pop nigériane Yemi Aladé ou encore le groupe brésilien Bantu Afro dont les danseuses presqu’en tenue d’Eve ont mis le feu à la ville de Ouidah, et déchaîné la controverse sur les réseaux et dans les médias. « Les vodun days n’empêchent pas que la commémoration de la journée des religions endogènes se passe partout ailleurs sur le territoire national. Mais Ouidah sera le site de cet événement car si on veut en faire une identité durable, il est nécessaire de le sédentariser », s’est défendu Wilfried Houngbédji.
L’objectif était atteint. Pour la première fois depuis Ouidah 92, la fête des religions traditionnelles a drainé un monde fou à Ouidah, à commencer par les autorités au plus haut niveau de l’État. Le président Talon a beau se défendre de ne pas vouloir imposer le vodoun aux autres religions, sa présence ainsi que celle de tout son gouvernement à Ouidah ne manqueront pas d’être interprétées comme un parti-pris du politique pour la spiritualité vodoun dans un pays supposé laïc. Une accusation que les soutiens du régime balaient du revers de la main, rappelant que c’est avec une bible dans la main que le président Kérékou avait reconquis le palais de la Marina en 1996, et que les deux mandats du président Yayi étaient ceux des pasteurs.