Relations Bénin – Niger : Talon bloque le pétrole nigérien à Sèmè

Relations Bénin – Niger : Talon bloque le pétrole nigérien à Sèmè

Cette décision a été prise pour forcer la main aux autorités militaires du Niger qui maintiennent fermée leur frontière avec le Bénin, malgré la levée des sanctions de la CEDEAO. En suspendant les opérations de chargement du pétrole brut nigérien au port de Sèmè, le gouvernement béninois espère priver Niamey de 4,4 milliards de francs CFA par jour et force un autre acteur, la Chine à s’impliquer dans la recherche de solution.

Entre le 6e et le 5e siècle avant Jésus-Christ, a vécu en Chine un grand stratège nommé Sun Tsu. L’homme qui a vécu jusqu’à 48 ans – c’était beaucoup à l’époque – a écrit un traité militaire « L’art de la guerre », qui passera à la postérité comme la référence absolue de la stratégie. Sun Tsu y expliquait que pour gagner une guerre, il était préférable de ne pas la faire. Patrice Talon et Abderrahmane Tiani n’ont peut-être lu Sun Tsu, mais leur attitude dans la crise survenue entre eux au lendemain du coup d’état qui a porté ce dernier au pouvoir renvoie à plusieurs leçons du fameux traité.

La tension est remontée d’un cran lundi soir entre Cotonou et Niamey, après que les autorités béninoises ont décidé d’interdire jusqu’à nouvel ordre les opérations de chargement du pétrole brut nigérien dans le port de Sèmè. Dans la pratique il ne s’agit pas de bloquer le transport par pipeline du liquide noir pompé dans l’oasis inhabitée d’Agadem (située en plein désert du Ténéré) jusqu’à Sèmè. Les autorités du Bénin interdisent plutôt l’accès du port pétrolier du sud-est du Bénin à tout bateau venu charger le précieux liquide.

Regain de tension

Si cette décision est intervenue pour beaucoup comme un coup de tonnerre dans le ciel apparemment serein des relations entre les deux voisins, dans la réalité, la tension n’était jamais vraiment retombée après la levée des sanctions prononcées en août 2023 contre le Niger. Depuis le 24 février dernier, date de la levée de la mesure de fermeture des frontières, Niamey n’a pas bougé d’un pouce ses barrages à son poste frontière sur la rive droite du fleuve Niger. Le CNSP le raconte à qui veut l’entendre, son voisin Patrice Talon n’est pas digne de confiance et n’aurait toujours pas renoncé à l’idée de collaborer à l’invasion de son territoire par la méchante armée française. C’est pour cette raison que Niamey maintient hermétiquement fermée sa frontière. Ce serait donc pour les autorités nigériennes d’une mesure basique de précaution face à un voisin qu’elles jugent indigne de confiance. Seulement voilà, cette mesure de maintien de la fermeture de ses frontières, Cotonou l’interprète plutôt comme un acte de vengeance contre le zèle avec lequel le chef d’État béninois avait défendu et exécuté les sanctions de la CEDEAO, un acte de guerre économique lancé contre son pays.

Dans son livre citée plus haut Sun Tsu conseillait au monarque de toujours laisser un sauf-conduit à l’ennemi de sorte que, dos au mur et il soit obligé de vendre très cher sa peau. Le général Tiani et son Premier Ministre Ali Lamine Zeine semblent avoir méconnu cette règle de base. « Dans ces conditions, nous sommes bien obligés de nous défendre », a expliqué un communiqué officiel béninois. La réponse du Bénin est donc de frapper le CNSP au portefeuille, quitte à y perdre les quelques subsides qu’il est censé percevoir en termes de droit de transit. Inauguré le 1er mars dernier seulement, les 2000 kilomètres d’oléoduc devaient permettre initialement au Niger d’exporter jusqu’à 90.000 barils de pétrole chaque jour, soit environ 4.4 milliards de franc CFA par jour. Un gros manque-à-gagner pour les finances nigériennes.

La Chine forcée d’intervenir ?

Dans une déclaration faite mardi après-midi à un média nigérien, le premier ministre de la transition Ali Lamine Zeine s’est voulu totalement rassurant en indiquant que la décision des autorités béninoises ne les concernait pas, et qu’elle ouvrait plutôt un contentieux commercial entre la Chine et le Bénin. « Si ce blocage devait survenir, déclare le premier ministre, il reviendrait d’abord aux Chinois de régler l’affaire avec les Béninois. Le Niger, quant à lui, s’en tiendrait au contenu de l’Accord. »

L’accord en question prévoit en son chapitre 3 que « la République du Bénin reconnait et octroie à la République du Niger le droit de transit sur le territoire de la République du Bénin des hydrocarbures produits sur le territoire de la République du Niger et transportés à travers le Système de Transport ». Il souligne également que « dans l’exercice de son droit de réglementation des opérations de transport effectuées sur le Système de Transport Béninois, la République du Bénin s’engage à prendre toute mesure de nature à faciliter le transit et à s’abstenir de prendre unilatéralement et, dans tous les cas sans l’accord préalable de la République du Niger, toute mesure de nature à restreindre ou à entraver le transit sur son territoire des hydrocarbures en provenance de la République du Niger à travers le Système de Transport ».

Certains experts analysent, comme le premier Ministre Zeine, que la décision du Bénin ne viole aucun des principes énoncés dans l’accord du 23 janvier 2019, et que c’est la Chine qui a investi des dizaines de millions de dollars dans ce projet qui risque de prendre cher.

S’ils ont raison, il ne faut pas s’étonner de voir les diplomates chinois se saisir de cet épineux dossier et d’aider les deux parties à enfin trouver une solution à leurs différends.

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