Niger : Mouhamed Bazoum désormais seul face à la junte

Niger : Mouhamed Bazoum désormais seul face à la junte

Après la levée sans condition des sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Niger, le président déchu a définitivement perdu l’unique moyen de pression qu’il gardait sur la junte militaire qui l’a renversé le 26 juillet dernier.

Par Tanimoune Ali

Il n’y a officiellement plus aucune sanction économique et financière contre le pouvoir militaire de Niamey. Réunis en session extraordinaire le 24 février dernier à Abuja (Nigéria), les Chefs d’État de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) ont proclamé la levée sans condition et avec effet immédiat, de toutes les sanctions qui avaient été prises en août dernier contre l’État du Niger.

Des sanctions historiquement sévères

Début août, soit à peine une semaine après le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum, les onze (11) autres chefs d’États (le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont suspendus des instenses depuis leurs coups d’état respectifs) s’étaient donné rendez-vous dans la capitale nigérienne pour prendre les sanctions économiques et financières les plus lourdes jamais prises contre un état, dans l’histoire de la communauté. La CEDEAO avait ordonné la fermeture des frontières terrestres et aériennes de tous ses membres avec le Niger. Suspendus également, tous les échanges commerciaux à destination ou en provenance du pays. C’est ainsi que le Nigeria a suspendu sa fourniture d’énergie au Niger, et que le Bénin a fermé son port au pays. La BCEAO a également reçu et immédiatement exécuté l’ordre de geler tous les avoirs de l’État du Niger, poussant le pays au bord de la banqueroute.

Bazoum sacrifié

Ces sanctions, les plus sévères jamais prononcées contre un état depuis la création de la CEDEAO, avaient été prises six mois plus tôt pour “faire du Niger un exemple”, à en croire le président béninois Patrice Talon, l’un des dirigeants les plus durs dans la gestion de la crise nigérienne. L’objectif, avait déclaré la commission, était d’obtenir la libération du président Bazoum, son rétablissement dans ses fonctions, et le retour à l’ordre constitutionnel. Mais force est de constater qu’au moment où la levée des sanctions est prononcée, Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours retenus prisonniers dans leur résidence du palais présidentiel. L’ordre constitutionnel n’est toujours pas rétabli et les militaires n’ont pas plus que ça annoncé de calendrier pour la fin de la transition.

Pour de nombreux observateurs, les décisions du 24 février étaient prévisibles au vu des nouveaux rapports de force qui s’étaient établis au lendemain du putsch et qui étaient défavorables à l’organisation sous-régionale. L’institution a en effet laissé beaucoup de plumes dans son bras de fer avec les militaires nigériens. Soutenues par leurs homologues du Mali et du Burkina Faso et adossées au soutien d’une large partie de l’opinion publique ouest-africaine, les autorités du CNSP (nom de la junte nigérienne, ndlr) n’ont pas cédé d’un pouce sur les exigences de la CEDEAO, dénonçant l’illégalité des sanctions et leur caractère inhumain, et menaçant de faire voler la CEDEAO en éclat. Conséquence ou pas de ces facteurs, l’organisation avait déjà officiellement reconnu en décembre dernier, les nouvelles autorités nigériennes et renoncé au rétablissement de Bazoum dans ses fonctions.

S’il a été massivement et fermement soutenu par son réseau diplomatique au début de la crise, les rangs se sont considérablement éclaircis autour de l’ancien Président nigérien depuis quelques mois. Par pur réalisme politique. Mohamed Bazoum n’a en effet toujours pas signé sa démission et avec la levée de toutes les sanctions économiques et financières contre le régime, l’ex-président perd les derniers moyens de pression contre le CNSP. Son sort ne dépend désormais que de lui et de lui seul.

Risque de dislocation

Même si le président de la commission de la CEDEAO, Oumar Aliou Touré, justifie la levée de ces sanctions par “des raisons humanitaires”, il n’a échappé à personne que cette décision a été prise dans des conditions particulièrement difficiles pour la CEDEAO. L’institution s’active pour se sauver d’une dislocation depuis que le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé leur retrait de la CEDEAO, avec effet immédiat, accusant l’organisation de se dévier de ses objectifs et d’être à la solde d’intérêts étrangers (la France, ndlr). Pour beaucoup de spécialistes, cette annonce de retrait a été le game changer du bras de fer entre les putschistes du Sahel et l’institution sous-régionale. Lors d’une rencontre avec la presse organisée peu de temps après l’annonce des pays du Sahel, le président béninois reconnaissait publiquement que ses homologues et lui s’étaient trompés en allant aussi loin avec la junte nigérienne et qu’il fallait à tout prix éviter la dislocation de la CEDEAO. Une position qu’il aurait encore défendue samedi devant ses pairs.

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