Éditorial d’Arimi Choubadé
“…tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non », ceci est un extrait de la loi d’amnistie que le régime de Macky Sall s’est offerte le 6 mars devant le parlement soit quelques jours avant la débâcle de son parti à la présidentielle du 24 mars dès le premier tour. Une sorte de parapluie atomique pour parer à toute éventualité de poursuite pour des crimes commis sous le régime et par son régime en cette période-là.
Selon la propagande pro-Macky, cette loi était destinée à vider les prisons. Ainsi seraient concernés des centaines de Sénégalais emprisonnés à la suite de violentes manifestations en marge des ennuis judiciaires de Ousmane Sonko. Pourtant ce dernier a bataillé dur contre le vote de cette loi à travers le “non” des députés de son parti dissout, le Pastef. Grâce à cette loi, Diomaye Faye et lui-même ont fait campagne en hommes libres. Mais à y voir de près, les carottes étaient déjà cuites dès lors que la candidature de Faye avait été validée et pouvait prospérer. Macky courait le risque de voir débarquer à la présidence de la République un successeur qu’il avait laissé en prison en partant. Ultime humiliation…
Sous réserve des remises en cause éventuelles de cette loi d’amnistie (ce n’est qu’une loi en effet), tous les accrocs du pouvoir devraient toujours se rappeler l’importance de préparer la fin de règne. Ce que le président Soglo a coutume d’appeler “la vie après le pouvoir”. C’est d’ailleurs le lieu de revisiter une sagesse qu’une autre tête brûlée de la politique Sénégalaise, Idrissa Seck a tiré du Coran : “Allez lui dire, le président (il parlait de Wade) n’est qu’un ancien spermatozoïde et un futur cadavre. Dans cet intervalle, il n’y a que l’usufruit de puissance pour un temps, il n’y a pas de puissance. La puissance n’existe et ne réside qu’en Allah, nulle part ailleurs”.
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’épilogue de Dakar produit un tic-tac dans certaines têtes à Cotonou. Le décor se résume là également par des prisonniers politiques dont les plus emblématiques Réckya Madougou et Joël Aïvo, des exilés, des violences meurtrières (2019, 2020 et 2021). La rupture au pouvoir a Cotonou s’est dépêchée de trouver une loi d’amnistie pour les évènements de 2019. Le problème c’est qu’il y en a eu d’autres après. Le tollé que continue de susciter les dernières manipulations parlementaires autour du code électoral pourrait engendrer d’autres orages dans la perspective des élections générales de 2026. Macky a donc joué avec les flammes jusqu’à la dernière minute.
Talon se prépare-t-il aussi à un scénario in extremis ?