20 septembre 2024

Les Démocrates : le congrès de tous les dangers ?

Les Démocrates : le congrès de tous les dangers ?

Alors qu’une frange importante du parti réclame la tête d’Éric Houndété, le congrès du 14 octobre s’annonce comme un tournant décisif pour la stabilité du plus grand parti d’opposition du Bénin. Les arbitrages du président d’honneur sont attentivement scrutés.

Par Julien Coovi

Le premier congrès ordinaire du parti Les Démocrates accentuera-t-il les petites fissures qui se sont créées ces dernières années ou les colmatera-t-il ? Sera-t-il le congrès de la discorde ou celui de la cohésion et du resserrement des rangs en vue des prochaines échéances électorales ? C’est tout l’enjeu du rendez-vous que se sont donné les militants du parti Les Démocrates les 14 et 15 Octobre prochains à Parakou. Fondé en 2020, suite au coup de force de Paul Hounkpè et d’une frange du bureau exécutif de leur ancien parti politique, les Force Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE), Les Démocrates se réuniront à Parakou pour évoquer « Les défis des élections générales de 2026 », selon le thème officiel retenu par les instances du parti. C’est dire donc que les décisions que prendront les délégués impacteront fortement la qualité de la participation du parti aux premières élections générales qu’organisera le Bénin, depuis la controversée réforme constitutionnelle du 1er novembre 2019. « Nous allons enfin pouvoir faire le bilan de notre participation aux dernières législatives, en tirer les leçons afin de nous projeter sur 2026 avec beaucoup plus de sérénité », confie à Olofofo un membre du comité préparatoire du congrès.

Éric Houndété joue gros

Faire le bilan des Législatives et aborder les élections de 2026 avec « beaucoup plus de sérénité ». Les législatives de janvier 2023 auraient-elles donc laissé tant de séquelles au parti ? Seraient-elles restées au travers de la gorge des militants ? Cette déclaration, ajoutée aux nombreuses prises de paroles des certains militants à mesure qu’approche le congrès, rappelle en effet les frustrations et les colères qui s’étaient exprimées dans les rangs des militants, tant après la confection de la liste des candidatures, qu’après la proclamation des résultats. À tort ou à raison, beaucoup de militants avaient reproché au président Houndété, « l’opacité » dans laquelle il avait conduit la confection des listes, puis « la timidité » de sa réaction face au hold-up dont le parti a été victime lors de la proclamation des résultats officiels. Il n’en fallait pas plus pour que ses nombreux rivaux qui convoitent son fauteuil et son statut de chef de file de l’opposition s’engouffrent dans la brèche pour réclamer sa tête. Des rumeurs insistantes l’avaient même présenté comme un agent infiltré du pouvoir Talon pour inhiber le parti et le rendre le plus inoffensif possible.
Ces accusations, le président des Démocrates ne s’en est jamais défendu. « Ce serait donner de l’importance à des fake news », explique un de ses lieutenants. Une stratégie du silence dont on mesurera l’efficacité ce week-end. Car, malgré tout, Éric Houndété se sait sur un siège éjectable. D’autant plus que les militants sont échaudés par les turpitudes du Secrétaire exécutif national de leur ancienne formation politique, les FCBE. Ils n’ont pas oublié comment Paul Hounkpè et une poignée d’autres cadres du septentrion les avaient dépossédés de leur parti au profit du pouvoir auquel ils prétendaient s’opposer. L’actuel président LD sait qu’il joue gros le week-end prochain. Il sait qu’il devra montrer patte blanche et manœuvrer habilement face à des rivaux prêts à faire feu de tout bois pour lui retirer un flambeau que lui, « l’ex-responsable de l’Union fait la Nation, irréductible opposant au régime de Boni Yayi », ne serait pas assez légitime à leurs yeux, pour porter. Pour cela, Éric Houndété a soigné sa propre préparation. Depuis plusieurs mois, il a multiplié les contacts et les gestes d’attention en direction des coordonnateurs et autres délégués au congrès.

Boni Yayi, président exécutif ?

Son approche stratégique c’est la persuasion. Éric Houndété entend persuader ses camarades que face à la plupart des responsables qui convoitent son fauteuil, il reste le meilleur atout possible pour le parti, dans la perspective des élections générales qui arrivent dans un peu moins de 3 ans. « Sans le pragmatisme du président Houndété, nous n’avions aucune chance de participer aux dernières législatives et de pouvoir nous vanter aujourd’hui d’avoir une trentaine de députés au parlement. C’est lui qui nous a remis dans le jeu », justifie un militant de la 6e circonscription qui a requis l’anonymat. « Faux, rétorque un autre militant de Bantè. Après trois élections sans l’opposition, Talon voulait redorer l’image de son pouvoir sur la scène internationale et ne pouvait pas se permettre une énième crise post-électorale. Éric n’a donc joué aucun rôle dans cette participation. Au contraire, il a joué contre son camp » .Cette catégorie de militant n’attend qu’une seule chose : la chute de l’actuel président des Démocrates.

De fait, son profil d’assurance-vie pour le parti, Éric Houndété devra en convaincre les principales figures des LD, à commencer peut-être par le président d’honneur, Boni Yayi lui-même. Des rumeurs persistantes le donnent candidat à la succession d’Éric Houndété. L’ancien président de la république aurait commencé sérieusement à contempler cette éventualité face au caractère irréconciliable des antagonismes qui traversent en ce moment le parti qu’il a fondé. L’idée de coopter son fils Nasser avait également été brièvement avancée avant de s’estomper progressivement, sans pour autant disparaître totalement. Boni Yayi considère que prendre la présidence exécutive du parti serait la solution la plus facile et la moins risquée à court terme, s’il ne veut pas avoir à gérer des crises à répétition entre l’entité qui l’emportera et celles qui auront été mises en minorité.

Mais est-ce vraiment la meilleure solution ? Beaucoup ont des doutes. Ils voient l’idée d’une prise en charge de la direction du parti par Boni Yayi en personne, comme un raccourci, une façon d’ajourner un ‘’problème’’ inéluctable, puisque participant de la dynamique de toute organisation humaine. En s’octroyant plus de pouvoir qu’il n’en a déjà au sein du parti, l’ancien président de la république renverrait un message de fébrilité aux militants et plus globalement à l’opinion publique. Il était pourtant resté jusque-là fidèle à la ligne qu’il s’était imposée depuis la création des FCBE, c’est-à-dire maintenir l’équilibre régional au sein de ses différents partis, en installant à leur tête des personnalités issues d’une région du sud. C’est sans doute cette stratégie qui a permis aux FCBE, puis aux LD de s’ancrer partout sur le territoire.

De plus, comment le pouvoir réagirait-il ? Est-il prêt à avoir Boni Yayi comme chef de file de l’opposition, et donc comme son principal interlocuteur ? Pour beaucoup d’observateurs, une telle perspective pourrait contribuer à raviver les tensions politiques qui ont fait tant de mal au pays depuis 2018.

Le congrès de Parakou ne sera pas une sinécure. Mal négocié, il pourrait précipiter le parti Les Démocrates dans la première plus grosse crise de sa jeune existence.

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