France, une désillusion africaine

France, une désillusion africaine

Rien ne semble pouvoir arrêter le déclin de la France en Afrique. La semaine dernière, Paris a perdu coup sur coup deux de ses plus vieilles et plus importantes bases militaires en Afrique. N’Djaména et Dakar ont demandé la fermeture des bases militaires françaises. Des sept bases qu’elle possédait en 2022, il ne lui reste plus que celles d’Abidjan et de Djibouti.

Par Bruno Charles

Les nouvelles sont tombées le même jour. Le 28 novembre dernier, les autorités sénégalaises et tchadiennes ont notifié à leurs homologues françaises la fin de l’accord de défense entre leurs États respectifs, et conséquemment, la fermeture des bases militaires françaises sur leurs territoires.

À l’Élysée et dans les bureaux du Quai d’Orsay (le ministère des affaires étrangères), la nouvelle eut l’effet d’un tremblement de terre. L’on s’y attendait d’autant moins que quelques jours avant, l’ancien ministre Jean-Marie Bockel que le président Macron avait missionné pour l’informer de l’état d’esprit de leurs partenaires africains sur leur présence militaire sur leurs territoires respectifs, était revenu avec des nouvelles plutôt rassurantes. « Les Africains ne souhaitent pas la fin de notre présence militaire, ils souhaitent un allègement de notre dispositif », avait-il assuré sur le plateau de la télévision France 24. Alors, qu’est-ce qui n’a pas marché ? Que s’est-il passé pour que le dernier partenaire de la France dans le Sahel lui indique la porte et que le plus ancien partenaire dans l’Afrique de l’Ouest décide de lui tourner le dos ?

Souveraineté

Il est vrai que le Pastef, la nouvelle force politique dominante du Sénégal, n’avait jamais fait mystère de son rejet de la présence militaire française sur le sol sénégalais. Le 28 novembre, alors qu’il était interviewé par France 2, le nouveau président Sénégalais Bassirou Diomaye Faye a déploré le fait que la France ait débarqué chez eux, pillé, tué et soit quand même restée après les indépendances. Cruel réquisitoire d’un ‘’jeune homme’’ d’une quarantaine d’années, né après les indépendances et qui, comme la quasi-totalité des Africains de sa génération, est déterminé à solder les comptes d’une relation qu’il juge toxique, au minimum inéquitable.
Mais par-dessus tout, la décision des deux gouvernements se justifie par le besoin de souveraineté. Le temps est venu pour le Tchad d’« affirmer sa souveraineté pleine et entière », ont déclaré les autorités de N’Djamena, tandis que, dans un entretien sur France 2, le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, affirmait que le maintien de troupes françaises au Sénégal « ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l’indépendance ».

Rejet de la Françafrique

Car si, contrairement à presque toutes les autres anciennes puissances coloniales européennes, la France a continué d’être un acteur incontournable des affaires intérieures de ses anciennes colonies plus de soixante ans après la fin de son empire, ce rôle est désormais très contesté par la jeunesse africaine. D’autant plus que les résultats de ce qu’elle considère à juste titre comme une perpétuation du colonialisme, sont catastrophiques. Les anciennes colonies de la France sont en effet les plus pauvres du continent, alors que la France continue d’apporter son soutien à des régimes illibéraux, parfois dynastiques, mais toujours corrompus et sans la moindre considération pour la dignité humaine. La Françafrique, ce réseau d’influence imaginé par le général De Gaulle et qui lui a survécu jusque-là, est maintenant très bien connue dans ses objectifs, dans ses méthodes et dans les moyens qu’elle déploie pour parvenir à ses fins. En tête des priorités de cette jeunesse de plus en plus informée et de moins en moins impressionnée par l’occident en général, le Franc CFA et la question des bases militaires. Les opinions publiques africaines ne les supportent plus.

Macron, catalyseur

Le coup de la dénonciation des accords de défense est rude, en particulier au Tchad, première colonie à répondre à l’appel du Général De Gaulle, utilisée comme un véritable « porte-avions » français en Afrique depuis des décennies et où un millier de militaires français sont stationnés. Après le départ forcé des militaires français du Mali en 2022, du Burkina Faso et du Niger en 2023, il s’agit d’un nouveau revers grave pour Paris. Et les conditions de la rupture du contrat avec le Tchad rappellent à quelques nuances près celles des autres États sahéliens. N’Djaména a pris sa décision à la suite d’une visite tendue, selon plusieurs médias français, avec le ministre français des affaires étrangères, que les autorités tchadiennes ont trouvée irrespectueuse, à l’image de toute la stratégie africaine d’Emmanuel Macron, le président français. Personne n’a oublié les propos désobligeants qu’il avait tenus à l’endroit du président brukinabè d’alors, Roch Marc Christian Kaboré, devant un parterre de plusieurs centaines d’étudiants burkinabès. Personne n’a oublié la convocation des chefs d’états du G5 Sahel à Pau, afin qu’ils fassent taire les contestations populaires de plus en plus fortes contre la présence des soldats français dans leurs pays respectifs.

Toutes ces maladresses, et bien d’autres encore, ont pu accélérer la chûte de l’influence française dans ses anciennes colonies.

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