Enlèvement de Steve Amoussou à Lomé : ENTRE LOMÉ ET COTONOU, LA ‘’GUERRE’’ EST OUVERTE

Le mandat d’arrêt lancé le 24 août dernier contre un des collaborateurs du président béninois traduit l’exaspération des autorités togolaises face aux outrances de leurs homologues béninois. La rupture est totale.

La nouvelle a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel qui commençait à s’éclaircir après l’effusion d’émotions qu’a causée le kidnapping de l’opposant béninois Steve Amoussou dans la capitale togolaise le 12 août dernier. Dans un communiqué diffusé sur la télévision nationale togolaise le dimanche 24 août, le parquet du tribunal de grande instance de Lomé a donné des détails glaçants sur l’opération qui a conduit au rapt de monsieur Amoussou. Le procureur de la République y assure avoir formellement identifié trois des quatre ravisseurs suite aux aveux de deux de leurs complices déjà inculpés pour complicité d’enlèvement et de séquestration, et placés sous mandat de dépôt. Selon le parquet togolais, trois des quatre barbouzes formellement identifiés viendraient tous du Bénin où ils appartiennent à un club de boxe extrême MMA baptisé Xêviosso. « Sur les quatre acteurs principaux de nationalité béninoise, précise le communiqué, trois ont été identifiés ainsi qu’il suit : GANDAHO Djimi, athlète des Arts Martiaux Mixtes (MMA) et coach au HEVIESSO MMA sis à la Haie vive à Cotonou ; GBAGUIDI Todedokpo Juwan Géraud alias JOJO, membre du staff et manager de l’artiste béninois VANO BABY et OUANILO MEDEGAN, directeur général de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations et athlète du MMA ». Les trois font l’objet d’un mandat d’arrêt international pour des faits « d’enlèvement et de séquestration »

Une grosse pointure

Ouanilo Mèdégan Fagla n’est pas n’importe au Bénin. Malgré un modeste DEUG 2 (Diplôme d’Études Universitaires Générales), le jeune informaticien s’est vu très tôt confier un rôle central dans le dispositif de surveillance numérique mis en place par le président Talon dès 2016. D’abord nommé Chargé de mission au numérique et à la sécurité du numérique auprès du président de la république, monsieur Ouanilo Mèdégan est très vite monté en grade. Il passera directeur du pôle sécurité numérique de l’agence des systèmes d’information et du numérique du Bénin (ASIN), puis directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). En janvier 2024, il demande et obtient la création et la direction du Centre National d’Investigations Numériques (CNIN), une structure aux statuts difficiles à cerner et dont la mission officielle, est de traquer les cybercriminels au Bénin et de les livrer à la police. Pour exécuter sa mission, le CNIN n’hésiterait pas à utiliser les gros bras du club de boxe qui ne sont pourtant ni dans l’organigramme du centre, encore moins dans le registre des agents de l’Etat. Des sources concordantes indiquent que le Xêviosso MMA Club ‘’vendait’’ ses services depuis plusieurs années à l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité.

Message de fermeté

Pour plusieurs observateurs, l’annonce publique du mandat d’arrêt international contre l’un des éléments-clés du dispositif sécuritaire du président béninois, est la preuve que le voisin togolais est moins intéressé par l’arrestation de monsieur Ouanilo Mèdégan que par l’envie de répondre à ce qu’on considère à Lomé comme l’outrance de trop. « Généralement, les mandats d’arrêt internationaux que l’on tient à faire exécuter, sont secrets », fait remarquer Julien Coovi, chef de la rédaction d’Olofofo. Faure Gnassigné dont l’une des plus proches collaboratrices (Réckya Madougou) est en prison au Bénin depuis 2021, ne tiendrait donc pas forcément à voir monsieur Ouanilo Mèdégan devant les juges togolais, il aurait simplement voulu envoyer un message de fermeté dans un dialogue diplomatique tendu avec son voisin béninois. Un voisin soupçonné par presque tous ses voisins d’actes de déstabilisation, et que Lomé veut maintenant mettre au banc des nations, en rappelant que les faits incriminés ont été « commis sur le territoire togolais, en violation flagrante du droit international et des règles en matière de coopération pénale internationale. »

Le Bénin serait-il devenu un État voyou ?

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