La ruée vers l’or en Côte d’Ivoire – Opportunités et risques : invité sur la Radio Télévision Ivoirienne (RTI), l’expert Prince Boris Ake en parle

Prince Boris Ake

Le secteur extractif ivoirien connaît une véritable ascension ces dernières années. La Côte d’Ivoire est richement dotée en or, particulièrement dans le nord et le centre du pays. Le sujet a fait objet d’une discussion lors de l’émission 90 Minutes pour Convaincre du 7 décembre 2024 sur la radio RTI. Plusieurs sachants, parmi lesquels figurait Prince Boris Ake, expert travaillant pour la coopérative d’entraide de Dabakala (COOPEDA), se sont prononcés sur les enjeux de l’or en Côte d’Ivoire.

Ruée vers l’or, que gagne la Côte d’Ivoire ? Tel est le thème principal de cette émission consacrée à la richesse minière ivoirienne. Le secteur extractif, bien qu’en plein essor, contribue de plus en plus, de façon conséquente à l’économie nationale de la Côte d’Ivoire. De 32,47 tonnes en 2019, la production en or pourrait passer jusqu’à 55 tonnes par an à partir de 2025 avec un revenu estimé à plus de 190 milliards de francs CFA par an au budget de l’État, représentant environ 5 à 6 % du PIB national. C’est un potentiel géologique important sur lequel les experts en plateau ont tous été unanimes. Ces ressources qui sont restées longtemps convenablement inexploitées, surtout l’or, deviennent aujourd’hui un nouveau pôle de richesse du pays suscitant toutefois des interrogations sur la pérennité du secteur.

Comme l’a souligné Maître Kwame Kofi Athanase, notaire et député de Burkanda, cette richesse ne doit pas être perçue comme éternelle. « L’or est une richesse éphémère. Si elle n’est pas utilisée de manière stratégique, elle peut engendrer des conflits et des tensions sociales », a-t-il averti, rappelant la nécessité de réguler ce secteur pour que les retombées économiques profitent véritablement à l’ensemble de la population.

Le défi de l’organisation et de la gouvernance

La question de savoir si la Côte d’Ivoire court le risque d’une “ruée vers l’or” incontrôlée a été largement discutée lors de l’émission. Selon Prince Boris Ake, l’or est bien présent partout en Côte d’Ivoire, et cette situation pourrait à terme conduire à une généralisation de l’activité minière à l’échelle nationale.

L’expert a également souligné l’enjeu majeur de l’organisation du secteur minier en Côte d’Ivoire. Selon lui, l’absence de régulation stricte et de mécanismes de contrôle efficaces laisse le champ libre à l’exploitation illégale, un phénomène qui gangrène l’industrie et prive les communautés locales des bénéfices de la richesse générée. « Quelque part où vous avez l’illégalité qui dicte sa loi, ça veut dire qu’il y a des gens qui, avec leurs flairs, identifient des zones où il y a de la présence aurifère, qui prennent leurs matériels et qui vont l’exploiter. Ils n’attendent pas de demander une autorisation aux autorités et de l’obtenir. Et donc, ils sont dans l’illégalité totale… Ils ont des complices au niveau local, mais bon, c’est quelques deux ou trois personnes qui en bénéficient. Et tout le reste des fruits de cette activité illégale passe inaperçu », a-t-il expliqué.

De l’or à l’intelligence collective

La clé du succès réside dans l’organisation de l’exploitation minière. Cela passe par une formation adéquate des acteurs, une meilleure régulation du secteur et une accélération du processus d’attribution des permis d’exploitation, afin d’éviter les lenteurs administratives qui freinent souvent les investissements. De plus, il est crucial de soutenir les initiatives de développement local, afin que les richesses générées par l’or bénéficient véritablement aux populations.

Prince Boris Ake a mis en avant la Coopérative d’Entraide de Dabakala (COOPEDA) comme un modèle exemplaire d’exploitation minière responsable en Côte d’Ivoire. La Coopérative, bien qu’elle soit une petite entité comparée aux grandes compagnies minières, se distingue par son respect du code minier et des engagements pris vis-à-vis des communautés locales. Lorsqu’elle obtient une autorisation d’exploitation, la COOPEDA crée systématiquement une mutuelle avec les populations locales. Une partie des dividendes générés par l’exploitation de l’or est reversée à cette mutuelle, qui sert à financer des projets communautaires, tels que la construction d’écoles, la réhabilitation d’hôpitaux, ou encore l’accompagnement de femmes en difficulté. Ce modèle d’implication locale a permis à la COOPEDA de se faire connaître et apprécier dans la région.

C’est un modèle qui, selon l’expert, peut être répliqué ailleurs en Côte d’Ivoire, à condition de réussir à organiser les exploitants artisanaux. « Nous sommes experts et nous sommes organisés en un cabinet d’expertise qui accompagne et encadre la COOPEDA. C’est vrai, mais nous encadrons et accompagnons d’autres sociétés coopératives d’exploitation minière dans toute la Côte d’Ivoire », a-t-il ajouté. Mais pour que ce modèle fonctionne à l’échelle nationale, il est essentiel de renforcer la gouvernance locale, de former les acteurs du secteur et d’encadrer l’exploitation artisanale de manière plus systématique.

Nécessité de la transformation locale ?

Un autre enjeu soulevé par Prince Boris Ake concerne la transformation locale des ressources minières. Bien que la Côte d’Ivoire soit l’un des plus grands détenteurs d’or d’Afrique de l’Ouest, une grande partie de l’or extrait est exportée sans transformation. Selon l’expert, il est primordial que le pays mise sur la transformation locale des ressources afin de maximiser la valeur ajoutée et de créer plus d’emplois, en particulier pour les jeunes. Cela pourrait transformer le secteur minier en un véritable moteur de développement économique durable.

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