Après huit années passées aux commandes des manœuvres du régime Talon, Olivier Boko est-il devenu trop puissant pour être brisé par des lois-drones ? L’ex-bras droit de Patrice Talon n’est pas impressionné par les manœuvres politiques du clan resserré autour du chef de l’Etat. Pourtant, les derniers tours de vis apportés au code électoral rendent quasi impossible sa candidature en 2026. Le natif de Soklogbo a maintenu son projet et l’aurait fait savoir à son ‘’ami’’ Patrice.
L’ambition présidentielle d’Olivier Boko survivra-t-elle au durcissement des conditions de candidature pour les prochaines élections présidentielles ? Beaucoup, à commencer par ses propres partisans, se sont inquiétés pour l’homme d’affaires depuis la fameuse interview au cours de laquelle Patrice Talon a laissé entendre qu’il n’avait rien à voir avec le projet présidentiel de son ‘’ami’’ Olivier Boko et qu’il n’était pas de ses habitudes de faire la promotion des amis et la famille en politique. Depuis lors, Patrice Talon fait mine d’ignorer la montée en puissance de son bras droit auprès des députés, maires et cadres de la mouvance présidentielle. Chaque semaine, le phénomène Olivier Boko monte et prend de l’ampleur. Les indiscrétions à l’assemblée nationale annoncent plusieurs dizaines de députés acquis à la cause de l’allié le plus fidèle de Patrice Talon. Pour beaucoup d’entre les soutiens de Patrice Talon, Olivier Boko a leur faveur pour 2026. Patrice Talon, écoute, enregistre mais ne pipe mot. Il semble avoir pris la mesure des dégâts du passage de l’ouragan Olivier dans son camp. Il a alors décidé de prendre le taureau par les cornes, deux ans avant la fin de son mandat.
Aidé par un carré resserré de fidèles, le président de la République a décidé de se prémunir contre l’inondation de son camp par l’ouragan Boko. Ainsi, dès le mois de novembre 2023, Talon mijote un plan contre son « ami ». C’est un remède de cheval commente un député de l’UPR. « Ça passe ou ça casse », lance un autre plus radical. Dès février 2024, le clan de Patrice Talon décide de passer à l’offensive et avance deux pions : la révision de la constitution ou celle du code électoral. Les deux manœuvres poursuivent le seul et même objectif : fermer toutes les brèches qui, dans le code électoral et la charte des partis politiques, rendaient encore possible la candidature des personnalités qu’il redoute et ne souhaite pas voir s’installer à la Marina. Depuis mars dernier le verrouillage du jeu électoral est terminé : seuls les candidats désignés ou autorisés par l’un des trois partis politiques représentés à l’assemblée nationale ou dans les mairies, auront désormais le droit de se présenter aux suffrages des Béninois. Un tour de vis supplémentaire interprété comme une mesure dirigée contre toute candidature pouvant venir perturber le plan de succession de Patrice Talon.
Si des doutes persistaient encore sur la disgrâce d’Olivier Boko et la guerre ouverte que les deux hommes ont décidé de se livrer dans la perspective des échéances de 2026, ils ont été totalement levés la nuit du 4 mars dernier au cours du conclave que le chef de l’état a tenu avec les siens quelques heures avant l’examen en plénière des amendements au code électoral. Outre la veillée d’armes pour le vote du code, cette réunion semble n’avoir été convoquée que pour recadrer Olivier Boko devant tous les députés qui pourraient être tentés par l’aventure Boko et leur montrer qui était le véritable patron. Le “vice-président” était resté silencieux tout au long de la rencontre, laissant Patrice Talon dérouler son plan. Le lendemain, les amendements au code électoral ont été adoptés à l’unanimité des députés de la mouvance présidentielle.
Boko fait peur à Talon
Si à deux ans de la fin de son mandat, Patrice Talon garde encore secret le nom de son dauphin, Olivier Boko sait qu’il est le dernier sur cette liste. Véritable requin des affaires, le natif de Soklogbo est, comme Patrice Talon, sans pitié pour tout ce qui se dresse sur son chemin. C’est au terme d’un affrontement sans pitié en affaires que Patrice Talon et Olivier Boko sont devenus des ‘’amis’’. De fait, c’est vers lui que le Président Talon se retourne systématiquement dans les moments critiques, comme pour la gestion des crises successives qui ont secoué le régime depuis 2016. Selon plusieurs personnes qui les fréquentent, ce sont précisément ces faits d’armes qui auraient amené Talon à le disqualifier pour sa succession. Patrice Talon qui a vu le monstre à l’œuvre, craint en effet qu’il ne retourne son toupet contre lui et contre sa famille une fois parvenu au sommet de l’État. Les soubresauts qui commencent à s’observer dans le camp présidentiel à cause de cette ambition présidentielle ne sont pas de nature à rassurer l’actuel occupant du Palais de la Marina. De plus en plus de membres de la mouvance présidentielle, manœuvrés de main ferme depuis huit ans, pourraient être tentés par l’aventure OB, ne serait-ce que pour se débarrasser enfin de Patrice Talon, vu comme un chef impitoyable, inflexible et extrémiste.
C’est passé de justesse en 2021 où le professeur Joël Aïvo et l’ex-garde des sceaux, Réckya Madougou avaient failli ébranler l’édifice. Mais Patrice Talon savait à quel point le dispositif des élections truquées qu’il a installé avec la complicité de Boko, était fragile. Il reposait surtout sur la discipline de sa troupe. Le moindre petit dysfonctionnement, et l’échafaudage s’écroulait. Il ne peut donc pas se permettre de laisser Olivier Boko s’emparer d’un rouleau compresseur aussi puissant. Pour le vaincre, Patrice Talon a un plan : contraindre Boko à solliciter formellement l’investiture de l’un de ses deux partis et lui infliger l’humiliation d’une défaite à des primaires jouées d’avance. Pour y arriver, il fallait que la loi remettre quasi-officiellement les parrainages entre les mains des présidents de partis. Avec la modification du code électoral, c’est désormais fait. Les députés et maires ne peuvent parrainer Olivier Boko que si Patrice Talon et ses deux partis le décident. Autrement, le projet de Boko malgré les soutiens massifs qu’il a, est mort.
Les soutiens d’Olivier Boko semblent déterminés
Une chose est claire dès à présent. Patrice Talon a installé son dispositif anti Boko dans les lois de la République. Tout est en place dans le code électoral. Les hommes de Talon n’attendent que 2025 pour l’appliquer à Boko et dérouler leur plan machiavélique. Y arriveront-ils ? Là est la question, car d’ici 2025, la météo politique peut changer et le temps peut se dégrader, vite et précipitamment. Mais au regard de ce qui se dit dans les officines politiques proches du pouvoir, dans les travées de l’assemblée nationale et surtout au regard de ce que l’on voit sur le terrain, Olivier Boko est loin d’avoir dit son dernier mot.
Alors que tout le monde s’attendait à ce que les activités de suscitation de sa candidature s’arrêtent et que la vague OB retombe, on peut voir les soutiens de l’homme d’affaires redoubler d’ardeur sur le terrain comme si de rien n’était. Mais sur quoi comptent-ils ? se demande bien d’observateurs. Le dernier carré de Patrice Talon espérait que le souffle en faveur de Boko retombe aussitôt le code verrouillé. Mais visiblement rien n’y fit. Olivier Boko n’est pas du tout impressionné par les digues posées dans le nouveau code électoral. Ses lieutenants les plus proches assurent à qui veut les entendre qu’il en faut beaucoup plus pour arrêter celui qui a été pendant les dix dernières années le complice de l’exilé Talon, le bras armé du président Talon et son émissaire permanent auprès de la classe politique. Dans ce rôle hautement stratégique, Boko a acquis les codes de la vie politique du Bénin. Il connaît aujourd’hui les rouages de l’Etat, maitrise les étapes de la conquête du pouvoir et connaît du bout des doigts les acteurs qui comptent dans ce genre de combat.
De fait, que Patrice Talon le veuille ou non, Olivier Boko a entre ses mains les cartes de son avenir politique. Ceux qui connaissent l’homme, disent que plusieurs leviers sont encore entre les mains d’Olivier Boko. Patrice Talon n’est pas fini comme le disent certains. Le limogeage de Johannes Dagnon, présenté comme son éminence grise et pressenti comme son dauphin, en est la preuve. D’ici la fin de son mandat, Patrice Talon garde une force de destruction redoutable dans son propre camp. Cependant, malgré cette capacité de nuisance, les soutiens de Patrice Talon sont convaincus que le chef de l’Etat aurait du mal à s’attaquer à Olivier Boko sans s’affaiblir ou au pire, sans précipiter sa propre chute.
D’abord sa puissance financière
En politique, les ambitions ne suffisent pas. Il faut les idées et les moyens de ses ambitions. Si vous n’avez pas les trois, il vous faut tout au moins un des trois ingrédients qui font la réussite en politique. Au Bénin, certains réussissent à frapper les esprits par leur force de conviction. C’est le cas en 2020 du Professeur Joël Aïvo qui s’est implanté dans le paysage politique grâce à la force de ses idées. D’autres, comme Patrice Talon en 2016, s’imposent par leur fortune.
De tous les candidats à la succession de Patrice Talon en 2026, Olivier Boko est aujourd’hui celui qui a les moyens de l’ambition qu’on lui prête. Tout comme la plupart des membres de la bande de Paris, le bras droit (l’est-il encore ?) du président de la République a considérablement consolidé son patrimoine financier au cours des huit dernières années. Il peut donc lever facilement une ‘’armée’’ politique capable de se mettre au service de ses ambitions. Les politiciens béninois raffolent de ce type de candidat en mesure d’assouvir leur soif d’argent, peu importe les idées qu’il n’a peut-être pas, peu importe un projet de société qu’il n’a peut-être pas. La fortune d’Olivier Boko reste un atout considérable, sans doute le plus décisif dans l’allégeance et la fidélité que lui vouent aujourd’hui députés et maires de la mouvance présidentielle.
Ensuite le réseau
Dans le microcosme politique béninois Olivier Boko connait tout le monde. L’homme a eu affaire au moins une fois à chaque acteur important de l’échiquier politique. Une position qu’il a renforcée grâce à son statut d’homme de main de Patrice Talon. Malgré la violence de la confrontation que le régime a proposée à l’opposition, Olivier Boko s’est efforcé de garder une porte entrouverte avec chaque acteur important de l’opposition et compte bien l’exploiter dans la perspective d’un probable combat final avec Patrice Talon, si ce dernier lui impose la confrontation. De plus, ce statut de copropriétaire du pouvoir entretenu depuis 2016, lui a permis de placer de nombreux hommes à des postes stratégiques de l’administration publique, de l’appareil judiciaire et de la haute hiérarchie policière et militaire. Mais son réseau va bien au-delà des frontières nationales. « Le vice-président » a pu aussi se constituer de précieux contacts dans le rang des adversaires irréductibles du chef de l’État. Pour certains opposants, Boko c’est Talon. Mais pour d’autres, Patrice Talon est unique et donc, Boko n’est pas totalement Talon.
Boko candidat de l’opposition ?
En politique, rien n’est à exclure, même le scénario le plus improbable. Ce sont toutes ces aléas de la politique qu’Olivier Boko compte exploiter contre son ami si celui-ci se dresse contre ses ambitions. Le plan de Talon était, comme un caïman avec ses proies, de l’entrainer au fond de son marigot, celui de ses partis politiques, de le vaincre lors de primaires verrouillées à l’avance et ainsi de le contraindre, dans une humiliation suprême, à soutenir le dauphin qu’il a soigneusement préparé avec son dernier carré. Mais Olivier Boko a plus d’un tour dans son sac. Des informations de plus en plus insistantes font état de rumeurs les plus invraisemblables au sein même de l’opposition radicale à Talon. Elle ne l’avouera jamais, mais Boko fait bien partie des cartes que l’opposition béninoise aurait en main. Selon nos sources, il ne s’agirait pas de jouer Olivier Boko contre Patrice Talon. Il s’agirait d’utiliser toutes les armes, y compris l’arme atomique pour obtenir le départ de Talon et faciliter la décrispation de la vie politique. L’opposition veut sortir du climat délétère entretenu par Patrice Talon depuis 2018. L’opposition veut mettre fin à cette gouvernance extrémiste, radicale et dangereuse pour l’apaisement du climat politique et social. Ainsi, à défaut de pouvoir gagner la prochaine présidentielle par elle même, des opposants n’excluent pas de nouer l’alliance la plus large possible pour sauver le pays des griffes de Patrice Talon qui selon certains conduirait le pays inéluctablement vers le pire : un coup d’état militaire, une insurrection populaire voire une guerre civile.
Patrice Talon peut-il entraver les ambitions de Boko, un homme qui s’est sacrifié pour lui ? Celui qui a pris la route de l’exil avec lui par fidélité, qui a fait toutes les sales besognes pour sauver son régime en 2019 et en 2021 ? Le chef de l’Etat pourra t-il trouver des arguments pour expliquer à sa troupe que Boko ne mérite pas de lui succéder après lui avoir été loyal durant toutes ces années ? Si le président de la République décide de mettre en exécution son plan anti OB 2026, trouvera-t-il les moyens de neutraliser les soutiens de Boko et de leur imposer un autre candidat ?
Ces questions méritent d’être posées. Mais seul le temps nous donnera la réponse.