Depuis l’arrivée du groupe Wagner en République Centrafricaine (RCA) en 2018, le groupe paramilitaire russe s’est principalement appuyé sur l’aspect sécuritaire pour vendre son action. Cependant, derrière cette coopération sécuritaire se cache des logiques de prédation économique. L’exploitation des diamants en est un des exemples les plus probants. Quelles sont les conséquences du développement de ces réseaux extractivistes pour les populations locales ?
Des sociétés écrans pour camoufler l’exploitation des diamants
Des sociétés comme Diamville et Midas Ressources sont accusées de jouer un rôle clé dans ce système d’exploitation des ressources naturelles. Ces entreprises, opérant en toute discrétion sous des couvertures complexes de sociétés écrans, utilisent notamment Dubaï comme tremplin pour écouler leurs diamants. Ainsi, les Emirats Arabes Unis sont devenus le premier marché commercial de diamants bruts en 2021, générant plus de 20 milliards de dollars. Là, dans cette zone franche au cœur du commerce international, des milliards de dollars en pierres précieuses transitent, souvent sans transparence, permettant aux acteurs externes de maximiser leurs profits en contournant les régulations internationales sur le commerce de diamants, telles que le processus de Kimberley censé éviter les “diamants de sang”.
À travers cette organisation opaque, Wagner, en collaboration avec des entreprises écrans, siphonnent les ressources naturelles de la RCA, et financent ainsi leurs activités. En effectuant des transactions à travers des canaux indirects, ce groupe garantit que les profits de l’exploitation minière profitent à des acteurs étrangers plus qu’à la population locale. Dans ce cadre, Wagner serait présent en RCA depuis 2018 dans l’optique d’exploiter les ressources minières. La prédation du groupe se renforce depuis 2024 et la conclusion d’accords entre ses sociétés écrans (Heavy Industrial & Midas Ressources) et le pouvoir centrafricain. Ainsi, Midas Ressources aurait obtenu en 2020 la concession de la mine d’or de Ndassima, l’une des plus prometteuses. Afin d’obtenir cette exploitation, le groupe à la botte de Moscou aurait exécuté des orpailleurs considérés comme illégaux et terrorisé les locaux afin de les empêcher d’accéder à la zone d’exploitation.
Par ailleurs, le processus de Kimberley a levé en 2024 l’embargo sur les exportations de diamants en provenance de RCA. Moscou est à l’origine de la première demande relative à une levée de l’embargo sur la RCA (en 2020-2021). Cela n’a rien de surprenant au vu de l’implication de Wagner dans l’exploitation des minerais de RCA. De plus, cette fin de l’embargo pourrait permettre à la Russie de contourner les sanctions internationales visant l’exportation de ses diamants, adoptées depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022 : Moscou pourrait tenter de faire transiter ses minerais par la Centrafrique afin de les exporter.
Une population laissée pour compte
La RCA, qui regorge de ressources naturelles, voit donc sa richesse détournée par ces pratiques. Au lieu de bénéficier d’une redistribution équitable des revenus générés par l’exploitation minière, les populations rurales, où l’extraction de diamants est souvent réalisée, vivent dans une grande pauvreté (70 % des Centrafricains seraient actuellement en situation de pauvreté). La quasi-absence d’infrastructures, l’insécurité croissante et les conditions de vie déplorables continuent d’être des défis majeurs pour la majorité des Centrafricains. Les pratiques extractives renforcent les inégalités et la marginalisation des plus démunis, tout en enrichissant des acteurs privés étrangers. De plus, les communautés locales, qui subissent les impacts environnementaux et sociaux de cette exploitation, voient des milliards s’envoler vers des comptes bancaires à l’étranger.
Le rôle défaillant du groupe Wagner
La présence du groupe Wagner, censé être un acteur clé dans la stabilisation sécuritaire de la RCA, a, elle aussi, montré ses limites. Alors que les autorités centrafricaines et la population s’attendaient à un renforcement de la sécurité face aux multiples groupes rebelles et à l’instabilité grandissante, la situation sur le terrain demeure préoccupante. L’insécurité progresse, avec des attaques de groupes armés se multipliant comme le montrent les récentes attaques du groupe rebelle des 3R dans la région de Bozoum.
Loin d’apporter la stabilité promise, le groupe paramilitaire russe s’est souvent montré plus intéressés par la gestion des ressources et leur sécurisation que par la protection de la population. Leurs actions se concentrent principalement sur les zones riches en ressources minières, tandis que les communautés locales sont laissées à elles-mêmes face aux menaces qui continuent d’embraser le pays. La fraude, la contrebande et l’insécurité constituent toujours des facteurs de déstabilisation en RCA.
Une relation inégale et destructrice
La prédation des ressources de la République Centrafricaine par des acteurs extérieurs, organisée par des groupes comme Wagner, met en lumière un système économique où les richesses naturelles sont détournées au profit d’acteurs étrangers via des sociétés écrans. Pendant ce temps, la population locale, qui devrait bénéficier des retombées économiques de l’exploitation minière, continue de voir sa situation se détériorer.