Délivrance de casier judiciaire : une lenteur artificielle à visées politiques ?

Délivrance de casier judiciaire : une lenteur artificielle à visées politiques ?

Depuis le début de cette année, l’une des réformes les plus abouties du service public est devenue un véritable cauchemar. Se faire délivrer un casier judiciaire est désormais un parcours du combattant.

Nombreux sont les Béninois qui en ont fait les frais. De jeunes chômeurs ont raté des opportunités d’emploi. Pour d’autres, les projets de voyages et d’études à l’extérieur sont tombés à l’eau. La délivrance du casier judiciaire au Bénin est caractérisée depuis plusieurs mois par une lenteur inattendue depuis la centralisation et la digitalisation de ce service. Alors qu’il est prévu que le document soit délivré à son demandeur sous 72 heures, maximum il faut attendre plusieurs semaines, parfois une éternité avant de l’obtenir. Derrière cette lenteur qui a pourtant fait l’objet de moultes dénonciations de la part des justiciables, se cacherait un réseau de rançonnement qui opérait sous le regard distrait des autorités du pays. Il a fallu attendre jusqu’au 13 mai pour que le gouvernement, à travers le Garde des sceaux, fournisse cette explication.

En effet, dans un communiqué publié sur le site internet du gouvernement, Yvon Détchénou impute la responsabilité des lenteurs observées à « un système de rançonnement des demandeurs mis en place par des voies parallèles ». Lequel système, poursuit l’ex-bâtonnier du barreau béninois, « a été démantelé à l’issue des investigations menées suite à des plaintes des citoyens relativement à la délivrance du casier judiciaire ».

Statu quo

Contrairement aux usages du régime dont on connaît le plaisir d’exhiber les « délinquants » pour afficher « l’efficacité de ses services de sécurité », personne ne saura à ce jour qui sont les présumés membres de ce fameux réseau, quel était leur mode opératoire, ni si une procédure judiciaire a été ouverte contre eux.

La seule chose à retenir, selon le ministre de la Justice, est que le Centre National de Casier Judiciaire (CNCJ), placé sous sa tutelle et qui est la seule structure chargée de délivrer les casiers judiciaires, n’est aucunement responsable des désagréments causés aux demandeurs. Et pourtant, depuis que le « système de rançonnement » est démantelé, rien n’a changé. Le calvaire des demandeurs est toujours le même, alors que le Garde des Sceaux Yvon Detchénou annonçait dans son communiqué du 13 mai que les équipes sont renforcées « pour que toutes les demandes complètes en instance soient traitées au plus tard le 30 mai 2024. Un usager désabusé nous écrit ceci : « J’ai fait ma demande de casier judiciaire depuis le 6 mars dernier, les frais d’établissement m’ont été prélevés, mais je n’ai eu aucune réponse jusqu’à ce jour (28 mai 2024, ndlr), malgré mes deux relances. Je voulais postuler pour un poste dans une ONG internationale de protection de l’enfant, j’y ai renoncé ».

Le piège masqué ?

Les explications à cette lenteur se trouvent peut-être dans la récente décisions prises par le gouvernement au sujet de la délivrance du casier judiciaire. Il faut rappeler qu’aux premières heures de la dématérialisation et de la digitalisation des services publics, la délivrance du document était gérée par le CNCJ et ses points focaux dans les cours d’appel et tribunaux du pays. Les citoyens avaient alors la possibilité d’effectuer la demande aussi bien en ligne que de manière physique.

Désormais, la demande du casier judiciaire se fait uniquement en ligne et sa délivrance relève de la compétence exclusive du CNCJ dont les points focaux sont supprimés. Ce qui ne fait qu’aggraver la lenteur. Pourquoi donc décider de saborder une réforme aussi efficace ?

Plusieurs observateurs y voient des motivations politiciennes. En effet, le casier judiciaire fait partie des pièces constitutives des dossiers de candidatures pour les élections générales de 2026. Confier sa délivrance à une seule structure qui peine toujours à respecter le délai de 72 heures pour la délivrance pourrait cacher une supercherie. La centralisation de l’examen des demandes est une façon efficace d’en maîtriser la délivrance. Comme pour le quitus fiscal, le gouvernement pourra ainsi choisir quels candidats mériteraient de l’obtenir et qui devrait attendre. « En l’anticipant dès maintenant, le gouvernement espère détourner les attentions et préparer les esprits », observe un analyste politique.

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