Pillage des domaines publics : Abomey et Ahanhanzo-Glèlè plus forts que la Criet ?

À la surprise générale, l’ancien maire d’Abomey est rentré libre de ses mouvements le 15 juin dernier, alors que sa responsabilité dans la vente illégale d’une partie des réserves administratives de la commune est établie. Ses anciens homologues de Calavi n’avaient pas eu droit au même privilège.

Le 15 juin 2023, l’ancien ministre de l’environnement et ancien maire d’Abomey était en audience à la Criet pour le bradage des réserves administratives de la commune dont il était le premier responsable. Douze ans plus tôt, presque jour pour jour (le 10 juin 2011), Blaise Onésiphore Ahanhanzo-Glèlè signait un arrêté par lequel il cédait plusieurs hectares de terrain du patrimoine foncier communal aux membres du conseil communal, au personnel de la mairie et à d’autres privilégiés. Le 15 juin 2023, il comparaissait en compagnie de plusieurs autres personnes accusées d’avoir joué un rôle dans ce bradage. L’opération a été menée à l’occasion du lotissement de Djimè Sud. Un acte crapuleux qui a fini par être déféré devant la justice, après plusieurs années de dénonciation.

Au bout de quelques heures d’audience, la décision des magistrats est tombée aussi surprenante que les faits sont graves. Les juges ont ordonné aux personnes bénéficiaires des réserves administratives bradées de rétrocéder les parcelles frauduleusement acquises à la mairie d’Abomey. Quant à ceux qui y ont déjà érigé des constructions, la Cour a entériné le fait accompli en leur enjoignant de faire les compléments financiers nécessaires à l’achat de leurs parcelles. Pour ceux qui ont déjà revendu les parcelles, l’autorité judiciaire a ordonné le remboursement du prix d’achat à la mairie. La CRIET donne deux semaines aux 18 bénéficiaires illégaux inculpés pour « produire la preuve des démarches qu’ils auront entreprises en vue de restituer les parcelles illégalement acquises ». Dans tous les cas, les auteurs du bradage sont rentrés libres chez eux.

L’enquête a révélé que plusieurs personnalités font partie des receleurs des parcelles bradées. Parmi celles-ci figure un proche collaborateur de Patrice Talon, Fortuné Nouatin, Ministre de la Défense nationale, qui a aussi été écouté par les enquêteurs sans être formellement inculpé.

Une décision controversée

Malgré la gravité des faits qui leur sont reprochés, les mis en cause ont miraculeusement échappé à la prison. Plusieurs observateurs se demandent alors s’ils paieront vraiment pour ce crime, d’autant plus que dans plusieurs dossiers similaires de mafias foncières, comme celui d’Abomey-Calavi, la CRIET avait immédiatement placé les mis en cause sous mandat de dépôt, avant de les condamner à des peines d’emprisonnement fermes. C’est ainsi que messieurs Liamidi Houénou De Dravo, Patrice Hounsou-Guèdè et Georges Bada tous anciens maires de Calavi, ont été condamnés à la prison ferme et jetés derrière les barreaux. Tout comme eux, plusieurs autres élus et fonctionnaires municipaux ont été condamnés et continuent de purger leurs peines. L’on s’interroge alors sur les raisons pour lesquelles la Criet n’est pas allée dans le même sens dans l’affaire « Bradage de réserves administratives à Djimè Sud ».

Deux poids, deux mesures ?

Et pourtant, les faits qui éclaboussent Blaise Ahanhanzo-Glèlè et les autres mis en cause sont beaucoup plus graves que les faits d’Abomey-Calavi. En effet, contrairement au cas d’Abomey, le maire Georges Bada et ses coaccusés ne s’étaient pas octroyé des parcelles parmi les réserves administratives de la mairie. Ils avaient été contraints d’exécuter une décision de justice, sous la pression de leurs autorités de tutelle que sont l’actuel Préfet de l’Atlantique et le Ministre de la Décentralisation de l’époque. Même un ancien procureur du Tribunal d’Abomey-Calavi avait forcé la main au Maire Georges Bada et à son équipe en menaçant de faire emprisonner le Directeur des Affaires Juridiques (DAJ). Georges Bada était préoccupé par la préservation des infrastructures sociocommunautaires qui étaient déjà érigées par la mairie et l’État sur la superficie concernée par la décision de justice qu’il a été forcé de respecter. Ni lui ni ses coaccusés ne détenaient le moindre titre de propriété sur le domaine qu’ils étaient accusés d’avoir bradé. Malgré cela, ils ont été jetés en prison par la CRIET. C’est surtout le poids de cette injustice qui a propulsé plusieurs d’entre eux dans la tombe. L’exemple le plus frais est celui de l’ancien maire Liamidi Houénou de Dravo qui a malheureusement rendu la vie le dimanche 04 juin dernier. A cela, il faut ajouter le cas de l’ancien Secrétaire Général de la mairie d’Abomey-Calavi, Sébastien Kinsiklounon, lui aussi mort en prison.

À analyser le verdict du 15 juin dans le dossier de « Bradage de réserves administratives à Djimè Sud », on se demande pourquoi la CRIET n’avait pas simplement exigé la restitution des domaines par celui qui les avait obtenus sur décision de justice. Le maire Blaise Ahanhanzo-Glèlè et ses coaccusés qui se sont accaparé les réserves administratives sont-ils moins fautifs que ceux qui ont exécuté une décision de justice pour qu’on les relâche aussi facilement ? Beaucoup d’observateurs expliquent ce double standard par l’origine des mis en cause. Pour beaucoup en effet, le fait que Blaise Ahanhanzo-Glèlè et ses complices soient d’Abomey, la ville de cœur du président Talon, aurait beaucoup compté dans la clémence du verdict, et illustre une fois de plus le manque d’impartialité de la CRIET dans ses jugements.

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