L’édito d’Arimi Choubadé
On connaissait les Juges anti-corruption à qui une loi spéciale donne de grands moyens pour traquer, faire rendre gorge et punir les prédateurs de l’économie nationale. Mais prévenir la corruption par un zélé qui n’aura pour seuls moyens que les décaissements mensuels d’indemnités et avantages par le trésor public sur son compte personnel, on veut bien voir. Après avoir démantelé l’arsenal judiciaire ante, Talon lance enfin un monsieur prévention de corruption. À deux ans de la fin de ses deux mandats uniques cumulés. En la personne de l’ancien défenseur de Martin Rodriguez exilé depuis 2005 après que le régime Kérékou finissant lui ait reproché un coup de trafalgar sur le coton ; puis de Sébastien Ajavon, le trafiquant condamné et banni de la République révélée. Le voilà donc, Jacques Migan fait nettoyeur des consciences corruptibles.
La première réflexion du profane est de se demander comment la corruption qui est une infraction pénale peut être prévenue par un individu solitaire fût-il partisan nommé du chef de l’État lui aussi premier suspect dans le pillage du trésor public. Retenez pour le décor que l’ancien Bâtonnier Jacques Migan se reconnaît à travers tous les régimes, depuis Kérékou dont il fut conseiller juridique à Talon en passant par Yayi Boni. Il est bien placé pour savoir que sa principale cible dans sa nouvelle mission n’est rien d’autre que le gestionnaire du trésor public qui est en même temps son bienfaiteur. En effet, tout l’échafaudage de la corruption part du relationnel du chef de l’État avec l’argent du citoyen. C’est d’ailleurs pour cela que la République ne lui accorde aucun pouvoir juridictionnel en matière de crime de corruption. Cette promotion de l’affidé affiche plutôt un relent d’aveu d’échec de tout le mécanisme de lutte contre la corruption depuis 2016. Peut-être la gratification d’un régimiste invétéré.
A son avènement, le régime Talon avait jeté aux orties tout l’existant juridico-institutionnel sur le sujet. La fameuse loi anti-corruption votée sous Yayi ainsi que son principal avatar, l’Observatoire de lutte contre la corruption ont été ringardisés par la réforme du siècle, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) de très mauvaise réputation au Bénin et en dehors. Son bilan en 6 ans est très radical puisqu’elle a pu rendre inéligible à vie tous les principaux concurrents politiques de Talon : Lehady Soglo, Komi Koutché, Sébastien Ajavon, Rékya Madougou, Joël Aīvo et d’autres. Puis à la fin, le régime sort de son chapeau magique un “ami” des corrompus pour faire peur à la corruption.
Un prédateur de l’économie nationale ne tremble que devant la loi, des juges, des policiers, des enquêteurs sans bride, capables de mettre à nu ses forfaits. Pas devant des spéculateurs politiques. Et puis la prévention de la corruption s’opère comment ? Par des prêches pour changer la conscience des aspirants à la prédation des deniers publics ? Le chef de l’État ne peut transférer des pouvoirs qu’il n’a pas. Aucun texte ne lui reconnaît la capacité de prévenir les agissements des criminels autrement que par la répression. C’est en cela que la promotion de Jacques Migan à ce poste obscur prend des allures d’une tromperie ou d’une diversion dans une moindre mesure. La rupture tient là sa tête de turque de son échec face à l’opacité étouffante autour des dépenses publiques ces dernières années : si nous en sommes là, c’est lui, Jacques Migan.
Alors qu’on savait dès le départ qu’il n’y pouvait rien
Prévenir le crime, c’est de l’ordre de la morale et de non de la laudation de régime