Sept ans après, la diplomatie béninoise à l’épreuve de la rupture

Sept ans après, la diplomatie béninoise à l'épreuve de la rupture

La gestion de la diplomatie béninoise a pris une tout autre tournure sous le régime de Patrice Talon. Le gouvernement a entrepris dès son avènement en 2016 de reconfigurer la carte diplomatique du pays. Ainsi, la plupart des missions diplomatiques du Bénin à travers le monde ont été fermées. Et le pays est presque isolé sur la scène internationale. En effet, à en croire les professionnels du métier, aucune réflexion stratégique préalable n’a été menée avant ce changement de cap opéré sous le management d’Aurélien Agbenonci qui a conduit cette maison prestigieuse qui pourtant regorge de cadres valeureux.

La réduction drastique des représentations diplomatiques pour des raisons économiques

L’un des faits marquants du passage d’Aurélien Agbenonci à la tête du ministère des affaires étrangères est la fermeture de plusieurs ambassades du Bénin dans le monde. De 36 ambassades et consulats ouverts avant 2016, le pays est passé à 14 missions diplomatiques à travers tout le monde entier. La principale raison évoquée pour justifier ce nouveau choix est la question de moyens. Ce qui n’est pas du tout justifié puisque le maintien de ces postes par le régime précédent ne l’avait pas empêché de construire les infrastructures. D’ailleurs, c’est sous la houlette des diplomates que la construction de l’échangeur de Godomey a été négocié avec la Chine. Les différents programmes d’adduction d’eau, le millénium challenge, les bourses de formation des officiers de police sont négociées par les diplomates. La diplomatie n’est pas une régie financière. Selon une source bien renseignée au sein du ministère des affaires étrangères, cette reforme opérée illustre parfaitement la méconnaissance de la fonction diplomatique par Aurélien Agbenonci et Patrice Talon. « Ce qui fait la priorité de tous les États du monde et qui les amène à ouvrir des missions diplomatiques dans un autre pays, c’est la protection de leurs intérêts et ceux de leurs ressortissants. En dehors de la mission de représentation qu’on connaît pour le diplomate, il y a surtout et avant tout le devoir de protéger les intérêts de son pays et de ses ressortissants », une Ambassade n’est pas assimilable à un guichet portuaire ou une régie douanière où des transactions commerciales s’opèrent. C’est d’abord l’expression de l’existence d’un État souverain capable. Elle symbolise aussi la qualité des relations d’amitié et de coopération entre les deux nations, explique un autre diplomate béninois interrogé sur la question. La même source indique qu’il n’y a eu aucune réflexion au préalable avant de réduire la présence diplomatique du pays dans le monde.

Les conséquences de la réduction des représentations diplomatiques

Aujourd’hui, les ressortissants béninois sont confrontés à d’énormes difficultés dans plusieurs pays du monde. La plus récurrente est liée au renouvellement de leurs passeports et autres documents de séjour. Notre source au ministère des affaires étrangères raconte que « tous les Béninois résidant dans les pays d’Afrique australe sont contraints de revenir à Cotonou pour renouveler leurs passeports ». Dans le même temps, ceux des pays européens tels que l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Suisse et autres sont désormais obligés de se rendre à Paris pour le renouvellement de leurs documents de voyage. En dehors de cela, « depuis qu’on a fermé notre ambassade en Afrique du Sud, les Béninois qui vivent dans ce pays sont victimes de tracasseries policières et sont harcelés au quotidien par la police sud-africaine, sans avoir quelqu’un à qui se plaindre ».

Quid des arguments économiques ?

En ce qui concerne l’argument principal avancé pour justifier la fermeture de ces ambassades, il n’en est rien. Selon nos investigations, la fermeture des ambassades a coûté encore plus cher au pays. En effet, les pays dans lesquels les missions diplomatiques sont fermées sont des États dans lesquels le Bénin a acquis sur fond propre les immeubles abritant ces Ambassades. C’est le cas par exemple du Canada, du Danemark, de la Belgique, du Niamey, de la Côte d’ivoire et de l’Afrique du sud. C’est-à-dire que le pays ne paye plus de loyer des appartements et immeubles qui abritent ses postes diplomatiques. Ayant perdu leur immunité suite à la fermeture, l’État béninois est désormais contraint de payer les impôts pour ces bâtiments. Selon nos investigations les avis d’impôts étaient gérés par le ministre des affaires étrangères du pays d’accueil. Il convient de relever que le trésor public continue de déployer de gros moyens pour supporter les charges financières liées à l’entretien des bâtiments notamment l’électricité, l’eau pour les jardins ainsi que le gardiennage.

Le mobilier et les véhicules ont été quant à eux ramenés à Cotonou et vendus aux enchères. Mais comme on pouvait s’y attendre, cette vente s’est faite entre copains et a permis aux amis du ministre de se partager les articles à vils prix. L’argument qui a milité en faveur de la vente de certains véhicules serait l’incompatibilité de leur système mécanique avec le code routier béninois (volant à droite). C’est d’ailleurs cet argument qui a favorisé la vente totale du parc automobile de Pretoria. “Pourquoi ramener ces véhicules à Cotonou au frais du contribuable, les immatriculer et enfin les brader ? Alors qu’on pouvait les vendre sur place aux justes prix ?” S’interroge un cadre

« Si on voulait vraiment réduire les dépenses liées au fonctionnement de nos missions diplomatiques pourquoi avoir laissé ouverte l’ambassade du Bénin au Qatar où nous sommes en location ?», s’interroge un haut diplomate en service au sein du ministère. Y a-t-il plus de béninois à Moscou qu’en Allemagne ? Et si nous considérons l’apport de chaque état en termes d’aide publique au développement, Berlin pèse moins que Moscou ? Le Maroc est un partenaire fiable plus l’Union européenne, la Belgique, l’Afrique du sud ?

Au lieu de résoudre le problème soulevé, le gouvernement du président Talon n’a fait qu’aggraver la situation de la diplomatie béninoise à en croire les différents cadres du ministère des affaires étrangères que nous avons approchés. Ces derniers martèlent mordicus dans un premier temps que, cette réforme a complètement isolé le Bénin sur la carte diplomatique mondiale et dans un second temps, créer des dépenses supplémentaires au contribuable.

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