Sénégal : Les médias en grève contre une “pression fiscale” étouffante

Bassirou Diomaye Faye : les grandes lignes de sa politique pour ses cinq ans

Le Président Bassirou Diomaye Faye essuie sa première vraie fronde sociale depuis sa brillante élection. Le mouvement d’humeur “journée sans presse” décrété par les patrons des médias est largement respecté par la presse depuis ce mardi 13 août 2024. Le quatrième pouvoir s’insurge contre les représailles mises en œuvre contre les débiteurs du Trésor public et surtout la suspension de l’aide à la presse.

Par Cheikh Ousmane Kane

Le patronat décrète une « journée sans presse » sur toute l’étendue du territoire sénégalais ; un mot d’ordre largement respecté selon BBC News qui parle d’un franc succès. « Toute la journée de mardi 13 août, les programmes de radios et télévisions ont été interrompus, plusieurs studios sont restés fermés, des kiosques à journaux vides », observe l’organe.

Invités à protester contre « une pression fiscale étouffante », les patrons de médias ont dénoncé « une des phases les plus sombres » de l’histoire de leur secteur d’activités. Regroupés au sein du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal (CDEPS), ils ont fustigé le blocage de leurs comptes bancaires pour non-paiement d’impôts, la saisie de matériels de production, la rupture des contrats publicitaires et le gel de l’aide aux entreprises de presse.

Les dettes cumulées par les médias auprès du Trésor public s’élèverait à 40 milliards de francs CFA. Le gouvernement, ayant décidé de les recouvrer, a mis en œuvre des mesures draconiennes qui frustrent. Selon Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeur de “Stades” et “Sunu Lamb”, cette situation est due aux affres du Covi-19 qui aurait fait perdre aux entreprises de presse « environ 70% de leurs chiffres d’affaires ».

Mais pour le Premier ministre Ousmane Sonko, des entreprises de presse se sont plutôt livrées à des « détournements de fonds publics », refusant de s’acquitter de leurs cotisations sociales. Le gouvernement s’oppose alors à toute forme de dialogue et opte pour la voie de la sanction systématique. Résultat, la presse sénégalaise est mise en difficulté par le mot d’ordre largement suivi.

Cependant, certains médias se sont simplement désengagés de cette décision un peu trop « radicale ». Le Groupe Wal Fadjri, par exemple, refuse de s’y mettre aussi, arguant du droit des « lecteurs, auditeurs, téléspectateurs » à l’information. Toutefois, il appelle l’Etat à jouer sa partition pour que la presse sénégalaise n’en arrive plus à recourir à la grève. « Il est aussi de la responsabilité de l’Etat, fait remarquer le groupe, d’ouvrir des couloirs de dialogue avec le patronat de presse pour discuter des questions aussi essentielles que la fiscalité des entreprises de presse, la répartition de la publicité, le déblocage du fonds d’aide à la presse. Ce qui aurait permis de faire l’économie de cette mesure radicale qu’est une “Journée sans presse” qui, en tout état de cause, est une vilaine balafre sur la joue de notre belle démocratie ».

Mamadou Ibra Kane déplore le silence des nouvelles autorités qui n’ont pas mis en œuvre les recommandations des promoteurs de médias qui ont proposé des pistes de solutions au Président de la République. De son côté, Reporters Sans Frontières, après avoir fait le point de la dégradation de la liberté de presse qui a reculé de 45 places au Sénégal de 2021 à 2024, passant de la 49e à la 94e place, invite les autorités du pays à œuvrer à corriger les erreurs du régime de Macky Sall.

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