Après l’adoption du nouveau Code électoral et sa promulgation par Patrice Talon en dépit des nombreuses contestations, Prince Boris AKE, président du parti des Verts du Bénin, en exil depuis 2019 en Côte d’Ivoire, se prononce dans une interview accordée à votre média d’investigation et de décryptage Olofofo. Il met en relief la mauvaise foi du camp présidentiel et invite l’opposition à se battre pour faire relire le code « crisogène ».
Olofofo : Bonjour Monsieur Prince Boris AKE (PBA)
Le 05 mars dernier, les députés de la mouvance présidentielle ont à l’unanimité voté pour le projet de loi relative à la modification du code électoral en République du Bénin. Le jeudi 14 mars, la Cour Constitutionnelle, par le biais de son rapporteur Dorothée Sossa qui est en même temps président l’institution, a déclaré conforme à la Constitution cette loi relative à la modification du code électoral. Le lundi 18 mars, le Chef de l’Etat a promulgué ladite loi objet de polémiques aussi bien dans l’opinion publique que de la classe politique et au sein de la société civile. Vous, en tant qu’acteur politique et chef de parti, quelles sont vos impressions par rapport à cette actualité politique qui défraie la chronique au Bénin ?
PBA : Je suis absolument révolté contre cette ènième forfaiture du clan du Président Patrice Talon contre la démocratie béninoise. Mon indignation est grande et totale. Par l’édition de ce code, le pouvoir vient de sonner le glas de la démocratie dans notre pays. Disons qu’il lui a donné le coup de grâce puisque, depuis 2019, nous assistions à l’agonie du système démocratique béninois. Il n’est pas acceptable, qu’un groupuscule de personnes, parce qu’ils sont investis d’un mandat de gouvernance temporaire, échafaude des stratagèmes abominables à l’effet d’avoir une mainmise totale sur la chose politique pour espérer “régner” æd vitam æternam. Le code électoral relu, non seulement il comporte des dispositions crisogènes facteurs d’exclusion, mais il a aussi manqué de satisfaire un certain nombre d’attentes de l’ensemble de la classe politique et du peuple.
D’abord, les parrainages des élus et la récolte de 20 pour cent des suffrages exprimés dans toutes les circonscriptions pour être éligible à lever des sièges au parlement constituent des goulets d’étranglement aux antipodes de l’esprit de la Constitution de décembre 1990 qui dispose dans son préambule la volonté souveraine des Béninoises et des Béninois d’adopter librement un système démocratique qui s’exprime à travers le multipartisme et la participation de tous les citoyen, qui le désirent, à l’action politique sans risques de se heurter à des verrous, quelle que soit leur nature.
D’un autre côté, il apparaît clairement que le nouveau code n’a pas daigné prendre en considération nos revendications en terme de représentativité des différents bords politiques (opposition-mouvance) au sein des institutions chargées de l’organisation des élections telles que la CENA, le Conseil Electoral et la Cour Constitutionnelle, dans le souci de garantir des échéances électorales libres, transparentes et crédibles, sources de paix durable.
Olofofo : Les acteurs politiques de l’opposition et surtout les députés du parti Les Démocrates au parlement se désolent de l’adoption de cette loi par leurs collègues de la mouvance, de la déclaration de sa conformité à la Constitution par la Cour Constitutionnelle et récemment de sa promulgation par le Chef de l’Etat. Dans leurs argumentaires, ils évoquent la nature exclusive de cette loi modificative du Code électoral.
Pensez-vous également comme eux, que l’opposition pourrait être exclue du parlement de 2026 avec l’adoption de cette loi modificative du code électoral ?
Craignez-vous des risques de violences pendant la période électorale qui s’annonce comme ce fut le cas en 2019 et 2021 au Bénin ?
PBA : Disons-le sans ambages, ce code électoral est un explosif puissamment chargé pour dynamiter le peu de tranquillité qu’il reste au peuple béninois. Patrice Talon et ses amis vont trop loin, ils veulent pousser le peuple dans ses derniers retranchements. Et ça, c’est grave. Ça porte les germes d’une nouvelle vague déferlante dans le pays. Il me semble que le pouvoir, les députés de la mouvance, la Cour Constitutionnelle, tout ce beau monde n’a pas suffisamment tiré les conséquences des expériences que nous avons vécues successivement en 2019, 2021 et 2023. L’exclusion provoque la violence car elle-même est l’une des formes les plus graves de violence. Avec ce nouveau code, un parti politique peut faire 100 pour cent dans 23 circonscriptions électorales, si d’aventure dans une une seule circonscription, il fait même 19 pour cent, il ne pourra pas lever des sièges au parlement. Vous imaginez ce qu’une pareille situation engendrerait dans le pays? C’est complètement fou. C’est inédit et inquiétant.
Olofofo : Enfin, dites-nous, comment pensez-vous que l’opposition doit s’y prendre pour contourner les pièges qu’elle dit contenus dans ce code pour gagner les élections générales de 2026 ?
PBA : L’opposition fait ce qu’elle peut faire à travers notamment les députés du parti Les Démocrates pour freiner Patrice Talon dans son élan dictatorial. Mais elle doit mieux s’organiser pour être mieux combative. Pour aucune raison, nous ne devons accepter de capituler et de subir ce code électoral. Ce code doit être relu. Les dispositions crisogènes qu’il contient doivent être extirpées pour faire de la place à celles qui vont garantir des élections transparentes et crédibles. Cette manœuvre sera certainement chronophage et très laborieuse, mais elle s’impose à nous. Pour ce faire, nous devons réunir toutes les forces vives de l’opposition et ensuite faire adhérer l’opinion publique nationale et internationale à notre cause. Nous avons de grands défis devant nous.