Par Décision DCC 24-048, du 04 avril 2024, la Cour Constitutionnelle du Bénin s’est prononcée sur deux recours en inconstitutionnalité du non-respect de l’avis du Groupe de Travail de l’Organisation des Nations-Unies sur la détention arbitraire (GTDA/ONU) de l’ex-ministre de la Justice, Reckya MADOUGOU. La juridiction s’est déclarée incompétente pour « apprécier », « la constitutionnalité de la non-exécution d’un avis du GTDA/ONU, qui a par ailleurs valeur de recommandation ».
Les requêtes soumises à la Cour Constitutionnelle, le 23 juin et le 14 août 2023, par les citoyens Landry Angelo ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Fréjus ATTINDOGLO, Conaïde AKOUEDENOUDJE, Miguèle HOUETO et Mario Fiacre AYEKO OLADELE portaient sur le non-respect par le gouvernement de l’avis du Groupe de Travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire de Reckya MADOUGOU. Les requérants ont argumenté que ce non-respect constitue une violation des articles 147 et 59 de la Constitution ainsi que des « engagements internationaux de l’État béninois découlant de son adhésion à l’ONU ». Selon le requérant Mario Fiacre AYEKO OLADELE, la détention de l’ex-ministre est une violation des articles « 6 de la CIADHP et 9 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ».
En effet, selon l’avis n°51/2022 rendu par le GTDA/ONU, en sa 94e tenue du 29 août au 02 septembre 2022, la détention de Reckya MADOUGOU est « arbitraire ». Il « a enjoint à l’État béninois de la libérer immédiatement, de lui accorder réparation, de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée sur les circonstances de sa privation de liberté », rapporte la Cour Constitutionnelle dans sa décision DCC 24-048, du 04 avril 2024. Mais les requérants ont constaté que « le délai de six (06) mois accordé à l’Etat du Bénin pour mettre à exécution les conclusions de cet avis a expiré à la fin du mois de mai 2023, sans qu’aucune mesure n’ait été prise par le Gouvernement ». Par conséquent, ils demandent à la Cour « de dire et de juger que le non-respect par le Gouvernement » de l’avis sur GTDA/ONU sur la détention de Reckya MADOUGOU, est « contraire à la Constitution ».
En réponse, le gouvernement a indiqué que l’avis du GTDA/ONU « n’ayant pas de force contraignante, il ne saurait juridiquement s’imposer au Bénin et à ses institutions » et « Reckya MADOUGOU fait l’objet d’une détention en vertu d’une condamnation prononcée par une juridiction compétente et que le Gouvernement ne dispose d’aucune prérogative constitutionnelle pour interrompre par lui-même l’exécution d’une telle condamnation ». Il a par ailleurs demandé à la Cour de déclarer le recours des citoyens Angelo ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Fréjus ATTINDOGLO, Conaïde AKOUEDENOUDJE et Miguèle HOUETO « mal fondé et de dire qu’il n’y a pas violation de la Constitution ».
Après analyse, la Cour Constitutionnelle s’est finalement déclarée incompétente pour statuer sur ces recours. Elle a souligné que la Constitution confère à la Cour Constitutionnelle de juger « de la constitutionnalité des lois, garante des droits fondamentaux et des libertés publiques, est compétente pour connaître des requêtes individuelles lorsqu’elles sont relatives aux lois ou aux actes visés à l’article 3, alinéa 3 de la Constitution » et que « la non-exécution d’un avis par le Président de la République et le Garde des Sceaux, ne saurait s’analyser comme faisant partie des actes, textes ou lois, susceptibles d’être déférés » au sens des article sur évoqués de la Constitution, « au contrôle de de la juridiction constitutionnelle ». En conséquence, la Cour s’est déclarée incompétente.