Présidentielle de 2026 au Bénin : l’impitoyable fratricide qui se prépare

Présidentielle de 2026 au Bénin : l’impitoyable fratricide qui se prépare

Loin des regards, se prépare en ce moment peut-être la guerre fratricide la plus violente de l’histoire politique du Bénin. L’élection présidentielle de 2026 mettra certainement fin à de longues années d’amitié et de partenariat entre le président Talon et Olivier Bocco, son lieutenant le plus fidèle, mais également le plus déterminé pour lui succéder.  

En 2012, après une embrouille sur le business du PVI au port de Cotonou, Patrice Talon s’est retrouvé en exil avec son ami Olivier Bocco. Depuis Paris où ils ont établi leur quartier général, à part les projets d’empoisonnement et de coup d’état contre Yayi Boni, les deux amis ont organisé et gagné toutes les batailles judiciaires et politiques qu’ils ont engagées contre ce dernier et son gouvernement. Malgré les preuves irréfutables des projets d’empoisonnement et de coup d’état, Talon et Bocco sont arrivés, grâce à leur réseau, à obtenir non seulement un non-lieu pour ces dossiers devant les juridictions béninoises mais surtout le pardon du Chef d’État d’alors.

En 2015, les 2 amis rentrent au Bénin sans aucune condamnation mais surtout avec l’intégralité de leurs droits civiques et politiques. Quelques mois plus tard, Patrice Talon, la tête pensante du duo d’hommes d’affaires, est candidat à l’élection présidentielle. Mais c’est Olivier Bocco, le bras opérationnel du duo, qui a coordonné de main de maître cette campagne qui conduira à leur victoire au terme d’une rude bataille électorale. Patrice Talon devenait ainsi le 4ème Président de l’ère du renouveau démocratique. Désormais le pays est dirigé par 2 amis. Et c’est à juste titre qu’Olivier Bocco est appelé communément « le Vice-Président » et vu comme l’un des copropriétaires du pouvoir.

Depuis 2016, Olivier Bocco est resté au cœur du pouvoir et a travaillé à faire assoir et enraciner le système financier et répressif que les béninois dénoncent dans la gouvernance de Patrice Talon. Olivier Bocco a beaucoup appris aux cotés de Patrice Talon. Il est même perçu dans l’opinion comme le principal faucon et l’homme à craindre du régime. Comme Talon, Bocco est sans pitié quand il faut préserver ses intérêts financiers et atteindre ses objectifs. Face à l’argent, il est sans état d’âme et Talon le sait plus que quiconque.

POURQUOI DJOGBENOU A ETE ENTERRÉ ?

Aujourd’hui, Patrice Talon est à 3 ans de la fin de son second et dernier mandat. Autour de lui,  les appétits présidentiels précoces ont commencé par se révéler. Les premiers soutiens de Talon travaillent déjà à le pousser dehors. Ils se concertent et prennent des contacts dans le pays et en dehors. C’est ce qui explique la guerre de succession et surtout les « assassinats politiques » auxquels nous n’avons pas beaucoup fait attention ces derniers mois. Beaucoup parmi les prétendants sont morts sous vos yeux. Ils ont tous été “tués par” Talon après les avoir utilisés, salis et mis hors d’usage pour le restant de leur vie. Le premier des prétendants qui a payé le prix de ses ambitions démesurées est Joseph Djogbénou. C’est le plus pressé de tous, le plus controversé et le plus imprudent. Il n’a pas été difficile à enterrer. Il a donné à Talon, la corde pour l’exécuter. En juillet 2022, la démesure des ambitions de Djogbénou, l’a poussé à démissionner avec fracas de la Cour Constitutionnelle et de sa présidence. On était à un an de la fin de son mandat et il a décidé d’offrir à Talon les quelques 12 mois qu’il lui restait de son mandat à la Cour. En un mot, au moment de sa démission, Djogbénou était non seulement la 3ème personnalité du pays mais il occupait surtout la fonction la plus prestigieuse à laquelle un juriste de son niveau peut prétendre dans sa carrière. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste des personnalités auxquelles il a succédé à la tête de la Cour pour s’en convaincre. Et pourtant Djogbénou qui se voit à la place de Talon a considéré que Président de la Cour Constitutionnelle était trop petit pour satisfaire ses ambitions. Naturellement, Djogbénou avait dans le viseur le fauteuil qu’occupe en ce moment le Chef de l’Etat et qu’il a toujours considéré comme sa co-propriété. Et pour ça, l’élection législative de janvier 2023 n’était qu’une étape sur la route triomphale de celui qui se voyait déjà Président de la République en 2026. Quant au perchoir, Djogbénou entendait l’utiliser comme un marchepied, en quelque sorte, comme l’antichambre de son ambition dévorante vers le pouvoir suprême.

Avouons quand-même que Djogbénou a été trop gourmand. Il a même été naïf d’ignorer que lorgner le pouvoir d’un Chef d’Etat en fonction est mortel. La suite, on la connait tous. Il ne faut pas être naïf, si le Président du l’UPR est dans cet « état végétatif » et « placé sous assistance respiratoire », c’est bien parce que Patrice Talon et Olivier Bocco l’ont décidé. Abusé puis rayé à l’encre rouge de la liste des prétendants à la succession de Patrice Talon, Djogbénou Joseph est tranquillement retourné au tribunal et à l’université où il a repris du service, en attendant un miracle. Décidément, la politique est trop compliquée, ingrate et mortelle.

OLIVIER BOCCO, LE CASSE-TÊTE DE TALON

Depuis quelques semaines, Olivier Bocco a remplacé Djogbénou dans les pronostics des analystes. Subitement les hommes politiques, les hommes d’affaires, les pasteurs, les journalistes, les marchands de soutiens politiques de toujours se mettent à rêver de Bocco à la place de Talon. Lui aussi a commencé, imprudemment, à dresser ses réseaux pour 2026. A la différence de Djogbénou et de tous les autres menus fretins qui veulent être président du Bénin, Olivier Bocco, lui, a les moyens de ses ambitions : dans l’ombre de Talon, depuis des années, Bocco dispose d’un réseau d’hommes politiques, de magistrats, de hauts fonctionnaires, de hauts gradés de l’armée et de la police ou encore de petits opérateurs économiques. Tous ces gens ont couru derrière Olivier Bocco ces dernières années, qui pour avoir une nomination, qui pour se faire poser un galon sur les épaules, qui encore pour obtenir un poste politique. Et ce ne sont certainement pas les moyens financiers qui lui font défaut. Pendant 8 ans, Bocco est le trésorier en chef du consortium politique qu’il forme avec Talon.

La question qui se pose alors est celle-ci : Talon peut-il arrêter aussi aisément la machine d’Olivier Bocco, un homme d’affaires immensément riche comme lui et qui dispose de solides relais dans tous les rouages de l’appareil d’État ? Cette question se pose non seulement à Talon lui-même, mais également à chaque béninois, car que nous le veuillons ou non, comme dans le conflit Yayi-Talon, c’est sur nous que rejailliront les dégâts du combat de Gladiateurs qui s’annonce.  

Que Talon souhaite ou non la prochaine candidature de Bocco à la présidentielle de 2026, il sait que comme lui, Olivier Bocco aime l’argent, beaucoup d’argent. C’est l’ADN d’un homme d’affaires. Bocco rêve secrètement, à juste titre, de passer de n°2 à n°1 des hommes les plus riches du Bénin. Pour y arriver, il lui faut absolument accéder au pouvoir d’État et l’exercer en tant Président de la République, Chef de l’État et Chef du gouvernement. Au regard de son réseau et de ses moyens, son seul obstacle pour 2026 a pour nom : Patrice Talon. Et Talon lui-même est bien conscient des velléités de son bras opérationnel à qui il a tout appris, avec qui il a tout partagé et qui connait dans les moindres détails ses secrets et ses méthodes de fonctionnement.

Comme l’a dit en privé ce pasteur qui officie dans une église dans les Collines, « y-a-t-il meilleur que Olivier Bocco pour venger les Béninois des 10 ans de Patrice Talon et de sa famille ?», « contrairement à ce que les gens pensent, Olivier Bocco a connu aussi beaucoup de frustrations avec le Président Talon et sa famille ». Mais ce pasteur oublie que les Béninois ne veulent plus à la tête de ce pays ni d’un homme d’affaires, ni d’un homme qui va se venger contre son prédécesseur comme Talon l’a fait à Yayi. Et d’ailleurs Bocco a tout intérêt à canaliser les ardeurs de son armée de pasteurs et de ses partisans qui poussent tous les weekends comme des champions dans un champ. A plus de 3 ans de la fin du mandat de Talon, ouvrir la succession de son ami qui est encore en fonction, est une entreprise bien dangereuse. Patrice Talon ne veut peut-être pas se faire remplacer par un autre homme d’affaires. Seulement, Olivier Bocco n’est pas qu’un affairiste, c’est surtout son alter égo, son intime et son meilleur complice durant ces 10 dernières années. En plus, même si dans son for intérieur, Talon ne souhaite pas que Bocco lui succède, ce dernier dispose désormais de tout le logiciel élaboré par Talon lui-même et pour lequel il n’a pas encore d’antivirus. En plus d’être dangereusement riche, Olivier Bocco dispose du réseau de communication le plus puissant du pays. L’administration et l’appareil judiciaire du pays sont à ses pieds depuis très longtemps. Intelligent et prévoyant, il a su se constituer un puissant réseau dans l’armée et dans la police qui sont désormais à sa solde ; c’est d’ailleurs depuis ses bureaux privés à Sikècodji qu’il a dirigé de main de maître la répression sanglante des manifestations des 1er et 2 mai 2019 à Cadjèhoun contre l’exclusion de l’opposition des législatives de 2019. Les 2 partis du président et les partis satellites lui sont dociles. En plus, les mêmes hommes politiques disent de Bocco qu’il est l’ombre de Talon, qu’il est sans pitié, sans état d’âme et aussi extrémiste que Talon. Et c’est là où le bat blesse.

QUE RISQUE PATRICE TALON AU JUSTE ?

C’est justement ce trait de caractère d’homme « extrémiste », « prêt à tout » qui a éliminé Djogbénou. Qui dit « extrémiste » et « prêt à tout » dit aussi et surtout « capable de tout ». C’est à dire capable de se retourner contre Talon après sa consécration et capable de le broyer lui et sa famille sans pitié. Avec Olivier Bocco, c’est le même doute qui fait réfléchir Talon et sa famille. Le Président béninois a bien en mémoire ces successions arrangées entre amis qui ont viré à la trahison et à la tragédie. La famille de Talon lui aurait présenté des fiches détaillées sur les successions arrangées au Cameroun, en Mauritanie, à Madagascar, ou en Angola. Dans ces cas, alors que le président sortant pensait avoir assuré ses arrières en choisissant et en consacrant un homme de confiance, un fidèle parmi les fidèles, c’est précisément celui-là qui s’est retourné contre lui et sa famille avec une brutalité sans pareil. Dans ces cas, 2 anciens présidents ont fini en prison, 2 autres en exil et 1 mort et enterré à l’étranger. La trahison n’est qu’une affaire de temps dit-on. Et ils sont nombreux ceux qui rappellent au Président Talon que « on n’est jamais trahi que par les siens ». Rien qu’à entendre les propos que tiennent certains ministres et proches en cercles restreints et ceux tenus par des ministres, à peine limogés, il est évident que ça gronde autour de Talon et que malgré leur bonne mine, ses collaborateurs directs supposés fidèles, ont une dent contre Talon.

Qui peut jurer de ce que deviendra l’empire économique des Talon sous Olivier Bocco ? Qui peut garantir que les entreprises de la famille seront encore en vie alors qu’elles sont toutes adossées à l’Etat ? Ce dont on est sûr, c’est que Bocco au pouvoir, les rapports de force finiront par s’inverser. Face à cette projection inédite dans notre pays, beaucoup de questions se posent.

Après avoir appris le métier aux côtés de Patrice Talon, Olivier Bocco, Président de la République, va-t-il accepter de rester dans l’ombre de Talon et de jouer les seconds rôles ? En 2026, Son Excellence Monsieur Olivier Bocco, Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement va-t-il chercher à éliminer l’ancien Président Patrice Talon, pour avoir la main sur toutes les manettes du pays ? Quels sorts réservera-t-il à Lionel et Karen les enfants de Patrice Talon quand ce dernier n’aura plus la force politique et les moyens de l’Etat pour protéger sa famille et ses intérêts économiques ?

QUI VA DÉGAINER LE PREMIER ?

Olivier Bocco n’en peut plus d’être dans l’ombre de Patrice Talon, il veut briller par lui-même. En se lançant si tôt dans la course pour la succession, le n°2 du consortium indique à son ami qu’il ne devra pas compter sur lui pour un éventuel troisième mandat et que lui-même est pressé de lui succéder. Pour le moment, les deux hommes se regardent en chiens de faïence. Mais que fera Olivier Bocco, quand il aura la preuve que Talon ne souhaite pas qu’il lui succède ? Cherchera-t-il à l’éliminer pour s’ouvrir la voie vers le palais présidentiel ? Les 2 hommes vont-ils devoir s’affronter pour la bataille finale ? Car Béninoises et Béninois, dites-le-vous très bien, vous qui n’aimez pas les problèmes, vous qui fuyez au premier coup de fusil, vous qui ne savez pas vous battre pour défendre ce qui vous est cher, sachez-le, Patrice Talon et Olivier Bocco se préparent à s’affronter. Ils vont se battre et leur confrontation sera politique, physique, financière ou judiciaire. L’un de ces 2 hommes doit abattre définitivement l’autre pour pouvoir posséder, seul, le pays, ses ressources et ses cadres. C’est la loi des amitiés au pouvoir. Et là aussi, c’est une question de temps.

Qui va donc dégainer le premier ? Ce sera avant 2026 pour Patrice Talon ou après 2026 pour Olivier Bocco s’il accède à la présidence de la République. Le plus habile prendra le dessus.

2026 ! le feuilleton ne fait que commencer…

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