Police Républicaine : le gouvernement valide le concours frauduleux

C’est une importante victoire pour Soumaïla Yaya. Le Directeur Général de la Police Républicaine était sous pression depuis que les manœuvres frauduleuses organisées autour du dernier concours d’officiers, ont été révélées au grand jour. Votre journal avait en effet mis au jour une série de décisions douteuses prises par la haute hiérarchie policière dans le cadre de l’organisation de ce concours, allant jusqu’à la modification du règlement du concours alors que le processus avait déjà été lancée. Sans compter le non-respect de l’arrêt de cour suprême ordonnant la réhabilitation et la reconstitution de la carrière d’un groupe d’officiers pénalisés par les réformes au niveau des forces de sécurité publique.

Tous ces manquements viennent d’être balayés par le gouvernement. Le conseil des ministres du Bénin, en sa session du 29 novembre a en effet adopté le projet de Décret portant « Modalités de reversement et de reclassement de deux cent trente-quatre (234) fonctionnaires de police dans le corps des officiers de police aux grades de commissaire de police stagiaire et commissaire de police de deuxième classe ».

La récente validation par le gouvernement béninois d’un concours controversé organisé par la Police Républicaine est apparemment en décalage avec les promesses de transparence prônée par le Président de la République Patrice Talon. Alors que des enquêtes étaient annoncées suite aux enquêtes et révélations faites par Olofofo, le conseil des ministres du 29 novembre 2023 a étonnamment adopté un décret concernant les 234 officiers incriminés.

Les rouages d’un concours frauduleux

Le processus qui a conduit à la promotion de la prochaine cohorte d’officiers de la Police Républicaine a été entaché dès le début par des irrégularités manifestes. En avril 2022, le Directeur Général de la Police Républicaine, Soumaïla Yaya, a émis une note de service (la note de service n°060/DGPR/DFS/SPFS/SA) ordonnant la mise en stage de 243 ex-adjudants et adjudants-chefs de l’ex-gendarmerie nationale, désormais reconvertis en policiers à la suite de la réforme ayant conduit à la fusion de la gendarmerie et de la police en un corps unique : la Police Républicaine. Cependant, la légalité de cette note est remise en question, notamment en raison de l’absence de l’implication de la Direction des Examens et Concours (DEC) dans le processus, conformément à l’article 16 de la loi n°2029-16 du 03 juillet 2020 portant statut spécial du personnel de la Police Républicaine. Or, à travers l’arrêt n°124/CA du 23 juin 2021, la Cour Suprême du Bénin s’était prononcée en faveur des Inspecteurs de police et officiers de paix reversés au grade de Brigadiers major. Mais le Directeur de la Police Républicaine a fait fi de cette décision.

Selon nos sources, le concours en question, après avoir violé des textes, a été jalonné, entre autres, de trafic d’influence, de violations des procédures établies et de corruption. La création de la Police Républicaine a engendré entre les deux corps fusionnés une rivalité qui s’est intensifiée depuis que Soumaïla Yaya, un ancien gendarme, a accédé à la tête de l’institution. Certains ex-policiers voient dans le refus de répondre aux injonctions de la Cour Suprême, en particulier dans son arrêt du 21 juin 2021, une tentative de rééquilibrer la répartition des grades d’officier entre les deux corps d’origine. Mais Soumaila Yaya semble imperturbable.

Malgré les révélations médiatiques, le Directeur Général de la Police Républicaine a soumis un avant-projet de décret au ministre de l’Intérieur, visant à blanchir le concours critiqué. Ce document, présenté comme une tentative de mise en œuvre de l’arrêt de la Cour Suprême, semble plutôt n’être qu’une violation. L’avant-projet, daté du 7 septembre 2023, porte sur la mise en œuvre de l’arrêt n°124/CA du 23 juin 2021 relatif au décret n°2017-353 du 19 juillet 2017 portant modification du décret n° 2016-137 du 17 mars 2016 portant statuts des personnels de la Police Nationale. Le DGPR a transmis cet avant-projet au ministre Alassane Seïdou, affirmant que « la compréhension retenue par le juge de la mention querellée procède d’une erreur de rédaction ». Autrement dit, la Cour Suprême aurait tort, et c’est lui qui aurait raison. Cette posture, loin de clarifier la situation, ajoute un autre niveau de complexité à cette affaire déjà nébuleuse.

Alors que le gouvernement avait engagé des enquêtes pour faire la lumière sur les faits, contre toute attente, dans le compte rendu du conseil des ministres du 29 novembre 2023, le gouvernement a adopté le décret concernant les 234 officiers.

« Modalités de reversement et de reclassement de deux cent trente-quatre (234) fonctionnaires de police dans le corps des officiers de police aux grades de commissaire de police stagiaire et commissaire de police de deuxième classe », lit-on dans le communiqué. Le gouvernement a donc validé le concours frauduleux.

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