Le 26 juillet 2023, alors que les nations africaines s’efforcent d’instaurer une gouvernance démocratique par le biais d’élections transparentes, le paysage est bouleversé. Le président du Niger, Mohamed Bazoum, a été arrêté, marquant le début du cinquième coup d’État militaire de la nation depuis son indépendance de la France en 1960. Cet événement, un affront à l’esprit de la démocratie, a reçu une condamnation mondiale, avec des piliers internationaux tels que les États-Unis, la France et la CEDEAO, entre autres, élevant leurs voix contre cet assaut, augmentant ainsi la crise nigérienne de 2023.
Ambassadeur Omar Arouna, MBA
Cependant, les eaux de la politique internationale se sont encore embrouillées lorsque le président béninois Patrice Talon a élevé la voix contre le coup d’État au Niger, plaidant de toute urgence pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel nigérien et le retour au pouvoir du président Mohammed Bazoum “par tous les moyens necessaires, y compris par la force militaire”. Pour ceux qui connaissent le milieu politique de l’Afrique de l’Ouest, la position de Talon était teintée d’ironie, un peu comme dans l’expression “c’est l’hôpital qui se fout de la charité”.
L’examen de la gouvernance de Talon depuis 2016 dévoile des manœuvres jugées contraires aux principes démocratiques. John Campbell, dans son blog sur le site du Council of Foreign Relations, a souligné en avril 2021 la manière dont Talon a, au cours de son mandat, systématiquement ébréché le cadre démocratique du Bénin. Il est accusé de supprimer l’opposition, de réquisitionner le système judiciaire et de restreindre la liberté des médias. En outre, l’analyse du Washington Post de Tyson Roberts met en évidence la mise en place par Talon de codes électoraux restrictifs et la suppression manifeste des opposants politiques. Ces actions ont abouti à la victoire prétendument éclatante de Talon lors des élections de 2021, où il a obtenu un score stupéfiant de 86 % des voix.
Qualifiées de “coups d’État constitutionnels”, ces tactiques diluent habilement la démocratie sous couvert de légalité. Fait troublant, il ne s’agit pas de stratégies isolées. Plusieurs dirigeants africains, dont M. Talon, ont adopté cette approche pour consolider secrètement leur pouvoir, tout en veillant à ce que l’aide internationale ne soit pas entravée.
Si les coups d’État militaires, comme celui du Niger, sont manifestes et palpables, les “coups d’État constitutionnels” plus subtils, comme celui du Bénin, sont insidieusement corrosifs. Ne s’attaquer qu’aux manifestations apparentes sans comprendre la cause profonde n’est pas la solution. C’est pourquoi, alors que des personnalités comme Talon condamnent les coups d’État militaires, il est impératif que la communauté internationale procède à une évaluation critique de son propre bilan.
En effet, la complexité de la situation est illustrée par les événements survenus au Bénin avant l’incident du Niger. Ainsi, en mars 2021, des personnalités politiques de premier plan telles que Mme Reckya Madougou et Joël Aïvo ont été arrêtées sans justification claire. L’arrestation de l’ex-Garde des sceaux, ancienne ministre de la Justice, Reckya Madougou et celle du professeur et constitutionnaliste Joel Aivo, laissent particulièrement perplexe, compte tenu des distinctions qui ont été décernées à la première, notamment le “Woman of Courage Award” par le Département d’État américain et des mérites de l’universitaire. Qui plus est, le Groupe de Travail sur la détention arbitraire de l’ONU a déclaré l’arrestation de Madougou arbitraire et a appelé depuis dix mois à sa libération. De tels événements, juxtaposés aux élections législatives du Bénin en janvier 2023 et aux aspirations présumées de Talon à un troisième mandat, brossent un tableau sombre de l’avenir politique du Bénin.
Le constat est clair : qu’un coup d’État soit drapé de treillis militaires ou enveloppé dans le manteau de la légalité, il reste une cicatrice sur le visage de la démocratie. Il est temps que la communauté internationale aille au-delà des condamnations superficielles et se penche sur les complexités plus profondes qui façonnent l’avenir de la gouvernance démocratique en Afrique.