La visite du président béninois Patrice Talon en Martinique du 13 au 17 décembre dernier se voulait festive et chargée de culture, elle aura finalement été plutôt houleuse. Le chef de l’État béninois a dû faire face à une série de controverses, presque toutes provoquées par ses choix et ses déclarations.
Beaucoup reprochent au chef de l’État béninois ‘’la légèreté notoire’’ avec laquelle cette visite sur une terre martiniquaise où de nombreux ressortissants de l’ancien royaume de Dahomey ont pu être déportés par des négriers africains et européens pendant plusieurs siècles, a été conçue et exécutée. Ils ne comprennent que le premier citoyen du pays d’où le Roi Béhanzin a été déporté vers la Martinique, ait pu accepter l’invitation de Bernard Hayot, le visage local de la perpétuation de la domination coloniale de l’île. « Bernard Hayot est à la tête du Groupe Hayot, un des plus puissants de France et en Outre-Mer, et fructifie un héritage familial indissociable de l’histoire de l’esclavage, du système colonial qui l’a nourri et du dogme racial qui l’a justifié », rappelle Karfa Sira Diallo, le Fondateur et Directeur de l’association internationale Mémoires & Partages. « Toute la distribution en Outre-mer, par exemple, est tenue par ce conglomérat familial, issu des plantations esclavagistes du XVIIe siècle mais fondé en 1960 avec l’assentiment d’un État français obnubilé par la perpétuation d’une structure économique qui donne le pouvoir aux mêmes personnes depuis des siècles » poursuit-il.
Le choix de l’Habitation Clément pour abriter l’exposition a été violemment chahuté par les associations locales, en dépit de la belle justification du projet, « une dynamique de valorisation de son patrimoine culturel matériel et immatériel et de la diffusion de sa création contemporaine au-delà de ses frontières. ». Pour les associations le domaine Clément ce sont « des terres marquées par le sang et le martyre piétinés et souillés par des événements qui frisent la mascarade. » Qu’importe ! Patrice Talon n’a pas peur des controverses. Il en lancera une nouvelle quand il interrogera publiquement la pertinence des demandes de réparations formulées par les associations locales. « Quand vous parlez de réparation, est-ce que les esclaves étaient propriétaires des terres que vous réclamez ?», lancera-t-il en guise de conseil à un responsable local d’association, le seul à avoir accepté de recevoir le président béninois. Et pour ceux qui reprochent le peu de cas qu’il fait de la douleur que peuvent encore ressentir aujourd’hui les victimes de la traite négrière et de la colonisation, Patrice Talon a une réponse implacable : « les rancœurs les plus légitimes ne doivent pas nous enchaîner au passé ». Le président béninois veut tourner la page. Pour lui, il n’y a pas meilleure thérapie contre les douleurs du passé que le business.