Nos soldats meurent dans le parc W ; nous fêtons l’indépendance à Cotonou

Quel drôle d'équipe nationale, ces Écureuils-guépards !

L’éditorial d’Arimi Choubadé

Rien ne peut arrêter le faste du 1er août 2024. Même pas l’annonce non officielle des 12 ou 14 soldats tués par l’innommable. Rien ne peut leur redonner la vie non plus. Une dualité symptomatique des différents Bénin qui cohabitent sans se voir sous le régime Talon depuis le radicalisation en 2019, pompeusement baptisée de “ruse et rage” par un des caciques alors ministre de la justice et désormais président du plus grand parti des PPP (partis politiques du président). En clair, le sang qui a coulé à Karimaman une semaine plus tôt n’empêche pas le champagne de couler à Porto-Novo, Cotonou, Abomey-Calavi et partout sur le territoire national où sont dressées les estrades officielles de la célébration.

Tout aurait été réformé, révélé depuis 2016 à l’exception notable des fastes inutiles, ruineux et ennuyeux de la fête d’indépendance qui n’ont rien perdu de leurs extravagances. Les Béninois des grandes agglomérations connaissent très bien ces embouteillages terribles au cours de la moitié de juillet pour cause de répétition en vue du défilé du 1er août. À l’image des budgets consacrés à la rénovation des engins et autres blindés de la grande parade, aux uniformes de circonstances, aux frais de mission, aux agapes, à l’embellissement des monuments aux morts dont celui de Cotonou réalisé à grand frais mais interdit au public et qui ne sert qu’une seule fois l’an au dépôt de gerbe par le chef de l’État. Tout ça pour ça !

Le contexte de l’édition de 2024 ne s’embarrasse du moindre scrupule malgré la conjoncture des citoyens civils et militaires qui tombent sur leur propre sol sans même comprendre pourquoi. Personne ne prend la peine de poser le débat sur les raisons de ces malheurs récurrents de villageois égorgés à Kérou, de militaires criblés de balles à Karimaman, à Porga, à Pendjari et ailleurs. Conséquences directes ou indirectes, le blocage des deux principaux corridors et exutoires naturels du port de Cotonou vers le Burkina Faso et le Niger. Les impôts sont engloutis dans des tournées à répétition pour expliquer les réalisations du gouvernement mais aucun kopeck n’est disponible pour réfléchir ensemble sur la menace de la violence gratuite et du terrorisme aveugle. A propos des mobiles, de la provenance et de l’identité des agresseurs, c’est le mutisme syncrétique…

Le temps est peut-être opportun d’aborder, entre autres, les retombées des réformes du régime sur le plan de la sécurité territoriale. La traque sans précédent que les pays de l’AES ont lancée contre les terroristes ont certes provoqué une débandade et un repli des malfaiteurs vers le nord et le sud du Sahel, en l’occurrence sur le Bénin. Personnellement, je nage dans des interrogations sur l’impact de la suppression de la gendarmerie considérée durant plus d’un siècle comme le première ligne de défense du territoire béninois. Sans oublier la perte de vitesse des paramilitaires de la douane affectés à la lutte contre la contrebande à nos frontières avec l’intrusion de Benin Control, société privée. Comment ne pas parler de la fin de règne des forestiers dans les parcs W et de la Pendjari au profit d’un nouveau corps dit des rangers ? Et si on s’était trompés sur toute la ligne ?

Hommages aux soldats du défilé mais également à tous les autres sur d’autres fronts ! Et que les tués dorment en paix !

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