19 septembre 2024

Niger : l’ex-ministre Djènontin-Agossou s’insurge contre le bellicisme de Patrice Talon

Niger : l’ex-ministre Djènontin-Agossou s’insurge contre le bellicisme de Patrice Talon

Dans une déclaration sur sa chaîne YouTube le vendredi 18 août 2023, l’ancien ministre Valentin Djenontin s’est prononcé sur la crise politique au Niger et mis en garde contre le projet d’intervention militaire de la CEDEAO dont le président béninois est le plus fervent défenseur.

Damien Koffi Konan

L’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Depuis son exil parisien, l’ancien ministre de la justice de Boni Yayi a tenu à se rappeler au bon souvenir du président béninois Patrice Talon à qui tout l’oppose. Valentin Djènontin-Agossou qui a dû renoncer à son mandat de député de la 7e législature pour échapper à la traque d’une justice béninoise présentée comme totalement inféodée à l’exécutif, saisi l’occasion de la crise de la crise nigérienne pour régler ses vieux comptes compte avec son adversaire politique qu’il présente comme le principal obstacle à l’émergence d’une solution pacifique au problème nigérien. « Tant que le président Patrice Talon sera au premier rang dans les prises de décisions, laisse-t-il entendre, toutes les tentatives de médiations échoueraient ». L’ancien parlementaire a également évoqué les conséquences d’une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO au Niger pour le Bénin et appelle les chefs d’États ouest-africains à vite écarter cette option qu’ils entrevoient pour rétablir le président déchu, Mohamed Bazoum.

Les membres de la junte nigérienne et les responsables de la CEDEAO se regardent en chiens de faïence depuis l’avènement du coup d’État militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum. Le président nigérian Bola Tinubu, également président en exercice de la CEDEAO, affichant sa détermination à combattre les prises de pouvoirs par la force, avait aussitôt désigné son homologue Patrice Talon comme médiateur pour aller faire entendre raison aux putschistes. Une grave erreur, selon Valentin Djenontin pour qui le profile de l’actuel président béninois n’est pas compatible une quelconque action pouvant faciliter le retour à l’ordre constitutionnel au Niger. « Il n’a ni la qualité, ni la légitimité, ni l’étoffe d’un négociateur », estime l’ancien garde des Sceaux qui pointe le ton menaçant choisi d’entrée de jeu et maintenu par le président béninois dans toutes ses prises de parole sur le dossier. Quelques heures après le putsch, Patrice Talon avait en effet annoncé que « tous les moyens seront utilisés pour rétablir l’ordre constitutionnel, y compris par la force ». L’ancien ministre béninois estime que c’est cette déclaration initiale qui a jeté le feu aux poudres et radicalisé les militaires nigériens.

Mais Valentin Djènontin a d’autres arguments encore pour décrédibiliser le chef de l’état béninois. Il ne va pas plus loin que la gouvernance politique, sociale et économique de patrice Talon depuis son installation au Palais de la Marina. « Voilà un monsieur qui après avoir financé et entretenu tous les canaux de contestations pour se hisser au pouvoir, interdit aujourd’hui toutes contestation à sa gouvernance critiquable sur bien des plans. […] Il a introduit par ses députés du Bloc de la Majorité Présidentielle (BMP), une proposition de loi pour retirer au personnel de santé le droit de grève. Cette interdiction a été plus tard élargie à d’autres corporations. Il a suspendu toutes les associations estudiantines sur les campus et n’admet aucune contradiction. Sachant par ailleurs qu’il ne pouvait rien faire pour améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants et des enseignants, il a bloqué par anticipation les creusets de négociations. Plus tard, il a arraché aux enseignants le droit d’élire les doyens et vice-doyens. Plus de démocratie à l’Université », rappelle Valentin Djenontin.

Coups d’état constitutionnels

En conséquence, la désignation de Patrice Talon comme médiateur dans une crise internationale comme celle-là relève du paranormal. Et Valentin Djènontin rit jaune en écoutant Patrice Talon évoquer la démocratie comme prétexte de la future intervention militaire au Niger. Car il n’a rien oublié des coups portés à la constitution béninoise et aux adversaires politiques par le président Talon. L’invention du certificat de conformité pour écarter l’opposition des législatives de 2019 qui ont abouti à l’installation d’un parlement monocolore, qui lui a offert 45 jours de plus sur son premier mandat, les persécutions contre l’ancien chef d’État Boni Yayi et les arrestations et emprisonnements de leaders de l’opposition sont aussi évoquées par le ministre Valentin Djenontin. Ce dernier se demande alors « comment peut-on designer un tel personnage comme médiateur dans une crise aussi profonde où un chef d’État est renversé par le responsable de sa propre garde ? ». Il comprend donc le caractère radical des positions « des autorités du Niger, de l’opinion nationale, africaine et internationale, non seulement contre la CEDEAO, mais particulièrement contre le président Béninois Patrice Talon parce qu’il était un contre-exemple parfait de proximité ».

Les sanctions contre Niger

Au risque d’être soupçonné d’apologie De coup d’état, Valentin Djenontin ne s’est pas mordu la langue au moment de dénoncer les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Niger. Des sanctions qu’il juge « inappropriées », surtout, celles qui empêchent le pays de s’approvisionner en nourritures et en médicaments. Si ces sanctions étranglent les populations du Niger, elles n’épargnent pas les béninois non plus, estime l’ancien ministre de l’économie maritime : « Les relations bilatérales entre le Bénin et le Niger sont historiques et datent de plus d’un siècle. (…) Si hier les produits à transporter du Niger vers la côte étaient simplement des matières premières issues de l’agriculture et de l’élevage, aujourd’hui, ils englobent des minerais et du pétrole. Une importante source de ressources en perspective pour le trésor béninois que la maladresse de Patrice Talon risque fort de compromettre ». Il ajoute surtout que « près de 50 % des flux de marchandises au port de Cotonou sont destinés au Niger et au Burkina-Faso » de même que « plus de 50 % des recettes douanières du Bénin proviennent de la douane Port ». Des statistiques qui justifient selon lui, la surenchère qui s’observe sur les prix de certaines denrées et le chaos socioéconomique qui attend le Bénin si la situation perdure.

Intervention militaire

Sur la question de l’intervention militaire de la CEDEAO, la position du ministre Djenontin est claire. Pas question que la CEDEAO emploi la force militaire dans sa quête de restauration de Mohamed Bazoum au pouvoir. L’éventuelle intervention militaire de la CEDEAO au Niger est une « calamité en perspective dans la sous-région » qui risque de « brûler toute l’Afrique de l’Ouest ». Cela sera assimilé à une déclaration de guerre au pays et à ses voisins sahéliens tels que le Burkina-Faso et le Mali. En lieu et place, il recommande plutôt le dialogue et la diplomatie, tout en respectant la souveraineté du Niger qui devra résoudre sa crise en interne.

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