Harcelé par ses anciens alliés du PNDS et par une partie de la communauté internationale, le leadership du général Tiani commence à être questionné au sein même du CNSP et de ses soutiens idéologiques.
Par Damien K. Konan
Conformément à la volonté des nouvelles autorités du pays, la France va quitter le Niger. Le président Emmanuel Macron a annoncé dimanche qu’il rappelait son ambassadeur et que le dernier militaire français aura quitté le pays d’ici la fin de l’année. Aussi, même si elle plane toujours, la menace d’une intervention militaire de la Cedeao s’est considérablement atténuée et le pays semble tenir avec une relative résilience face aux sanctions économiques et financières de l’Uemoa et de la Cedeao. Néanmoins, malgré ces situations célébrées par le CNSP comme des victoires retentissantes, des doutes commencent à émerger sur la qualité du leadership du général Abderrahmane Tiani, le chef de la junte militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023.
Discret ou absent ?
Accusé de n’avoir renversé Bazoum que pour sauver son poste de chef de la garde présidentielle, et donc de s’être retrouvé à la tête du pays sans projet et sans vision, le patron du CNSP peine à imposer son leadership, à commencer par les forces armées dont il est lui-même un des responsables. Beaucoup de spécialistes font observer qu’il peine à rassurer tant ses camarades du CNSP, leurs alliés de diverses sortes, que la population nigérienne elle-même.
A part les bains de foules organisés à grands frais dans le stade Seiny Kountché de Niamey, et son unique discours prononcé il y a un mois, sous la menace de l’intervention militaire de la CEDEAO, on n’a quasiment pas vu le général Tiani. « La plupart du temps, il est enfermé avec lui-même dans les bureaux au palais présidentiel », confie une source proche du CNPS. C’est dans les rangs des militaires nigériens que la colère aurait commencé à monter. Le manque d’empathie du général face aux soldats tués dans l’attaque terroriste qui a visé des positions de la garde nationale dans la localité de Bourkou Bourkou quelques jours après le coup d’état, ne passe pas.
Rivalités intestines
L’ex chef de la garde présidentielle ne s’est pas rendu à la cérémonie d’hommage organisée pour les 5 soldats tués dans l’attaque. Une décision incompréhensible même au sein du CNSP où les vieilles ambitions auraient recommencé à s’exprimer. Pour la plupart des officiers du CNSP, même si c’est lui qui a organisé le putsch du 26 juillet, le général A. Tiani n’aurait toujours pas acquis la légitimité nécessaire pour incarner le changement dont ils se targuent. En effet, deux mois après le putsch, le Général Tiani traîne encore comme un boulet son passé de cacique du PNDS. Et les liens très étroits qu’il préserve avec l’ex-président Mouhamadou Issoufou commencent à agacer ses camarades du CNSP, d’autant plus que de plus en plus de monde à Niamey considèrent l’ancien président comme le véritable instigateur du putsch du 26 juillet. La réunion tenue le 3 septembre dernier à Niamey entre les généraux Salifou Modi, Salaou Barmou, Mahamadou Toumba et Abderahmane Tiani lui-même afin de décider du sort du président Issoufou se serait terminée par un non catégorique du patron de la junte, à la consternation générale de ses camarades.
Déception des panafricanistes
Faut-il pour autant s’attendre à un contre coup d’état au Niger, comme ce fut le cas au Mali et au Burkina Faso ? Les experts n’écartent plus aucune possibilité, tant les tensions sont vives au sein de la junte, d’autant plus que l’impatience monte également dans les rangs des soutiens idéologiques de la junte qui trouvent la timidité, voire l’incompétence du général un peu agaçantes. « On se réjouit du renversement de Bazoum, mais quand c’est penché, il faut le dire. La présidence du Niger et le CNSP doivent revoir leur communication et leurs actions », a tweeté le samedi 23 septembre dernier, l’activiste souverainiste Nathalie Yamb, suite à la gestion faite par la junte, du refus d’accréditation de son représentant à la 78e assemblée générale de l’ONU. Et madame Yamb d’ajouter : « Pour mettre fin au système françafricain, il faut de la proactivité, de la transparence et de la détermination. On ne peut pas rester en permanence dans la réaction. ».
Abderrahmane Tiani a-t-il les moyens intellectuels et psychologiques pour assurer la sécurité des nigériens et la stabilité du pays ? Est-il capable de faire mieux que le président renversé ? L’avenir le dira.