Cinq juristes béninois ont appelé la Cour Constitutionnelle à déclarer contraire à la Constitution la loi n°2024-13 modifiant et complétant la loi n°2019-42 portant Code électoral en République, adoptée par l’Assemblée Nationale le mardi 05 mars 2024. Ils y ont déposé un recours en inconstitutionnalité le 8 mars 2024. Il s’agit de Landry Angelo ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Miguèle HOUETO, Fréjus ATTINDOGLO et Conaïde AKOUEDENOUDJE. Selon eux, loin de régler le problème que pose le Code électoral de 2019, tel que demandé par la Cour Constitutionnelle par décision DCC n°24-001 du 4 janvier 2024 « aux fins de rétablir l’égalité entre les maires » en ce qui concerne les parrainages pour les élections générales de 2026, l’Assemblée Nationale a laissé transparaître dans le nouveau Code électoral adopté le mardi 05 mars 2024, « d’énormes contrariétés avec la Constitution ».
Moins d’une semaine après son adoption par le Parlement, la loi n°2024-13 modifiant et complétant la loi n°2019-42 portant Code électoral en République fait déjà objet de nombreuses contestations pour plusieurs raisons. Cinq juristes relèvent que cette nouvelle législation introduit des dispositions en contradiction flagrante avec la Constitution. Parmi les points de discorde, l’introduction d’un mandat impératif pour les députés et maires concernant le parrainage des candidats aux élections présidentielles, et l’instauration de pourcentages de parrainage jugés excessifs…
Sur la question du mandat impératif, les requérants rappellent que la Constitution béninoise, dans son article 80 nouveau, dispose ceci : « Les députés sont élus au suffrage universel direct. La durée du mandat est de cinq (05) ans renouvelables deux (02) fois. Chaque député est le représentant de la Nation tout entière et tout mandat impératif est nul ». Cependant, l’article 132 du nouveau Code électoral impose aux députés et maires de ne parrainer que les candidats de leurs partis politiques ou ceux désignés dans le cadre d’un accord de gouvernance. Cette exigence, selon les requérants, viole le principe de représentation nationale, en restreignant la liberté de parrainage des élus, et instaure de facto un mandat impératif contraire à la Constitution.
Un autre point de friction majeur relevé par les juristes concerne les pourcentages de parrainage exigés pour les candidatures à la présidence de la République. Toujours l’article 132 de la loi contestée dispose que « nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République ou de Vice-président de la République s’il n’est dûment parrainé par un nombre de députés et/ou de maires correspondant à au moins 15% de l’ensemble des députés et des maires et provenant d’au moins 3/5 des circonscriptions électorales législatives ». Or, dans « le Code électoral non modifié, le législateur avait opté pour un pourcentage objet de controverses non résolues ». Les requérants estiment que ces conditions, par leur rigidité, risquent d’exclure de manière arbitraire des candidats potentiels et de nourrir des tensions et potentiellement des violences électorales.
Sur le mode de parrainage, l’avant-dernier alinéa de l’article 132 de la loi dispose : « un député ou un maire ne peut parrainer qu’un candidat membre ou désigné du parti l’ayant présenté pour son élection ». Selon les cinq juristes, « cet alinéa oblige les parrains à ne parrainer que les candidats membres de leur partis politiques ou désignés par ceux-ci » et ce faisant, l’Assemblée Nationale « a violé les décisions EP 21-012 du 17 février 2021 et DCC 21-232 du 16 janvier 2021 de la Haute Juridiction ». Ils rappellent qu’en vertu de la décision EP 21-012 du 17 février 2021 de la Cour Constitutionnelle qui « a rappelé qu’elle a décidé que « l’acte de parrainage est un engagement unilatéral à soutenir un candidat à l’élection du Président de la République et les élus ont la liberté d’accorder leur parrainage aux candidats de leur choix ». De même, « la délivrance du parrainage aux candidats est un acte de liberté, de totale liberté ou précisément la mise en œuvre de la liberté des parrains à parrainer qui ils veulent sans avoir à subir de contrainte de la part de qui que ce soit ». Les requérants ont conclu qu’avec les deux derniers alinéas de l’article 132 nouveau, « le législateur a transformé le parrainage des élus en un parrainage des partis politiques, sans avoir l’audace de le dire expressément ».
Par conséquent, les cinq requérants invitent la Cour Constitutionnelle à « dire et juger que le mode de parrainage est contraire à la Constitution, dire et juger que tous les pourcentages exigés dans la loi n°2024-13 modifiant et complétant la loi n°2019-42 portant code électoral en République sont contraires à la Constitution ».