La chute de la ville de Kidal, le 14 novembre 2023, dans la lutte que mène l’armée malienne contre les groupes armés du Nord, donné lieu à une petite polémique. Il y a d’un côté, ceux qui saluent une victoire éclatante et célèbrent ce qu’ils considèrent comme la plus grosse prise conquête de l’armée malienne après la prise en main des affaires de l’État par les militaires. De l’autre côté, les sympathisants des rebelles, appuyés par quelques intellectuels, estiment que pour symbolique qu’elle soit, la ville de Kidal n’est un petit point sur la carte de la grande région de l’Azawad (nom touareg du grand désert malien) qui serait toujours selon eux sous contrôle rebelle. Mais que représente la ville Kidal ?
Par Bruno Charles
Pour comprendre l’importance de la victoire des forces armées maliennes le 14 novembre dernier et sa portée symbolique, il faut convoquer l’histoire des conflits armés depuis que les humains, organisés en États (royaumes, empires, et plus récemment républiques), se font la guerre. Il faut comprendre pourquoi Staline a défendu Moscou face aux troupes allemande, alors que l’URSS disposait de millions d’autres kilomètres carrés. Il faut comprendre pourquoi l’État français a capitulé une fois que les troupes d’Hitler sont entrés dans Paris, pourquoi Churchill a organisé la défense de Londres comme si la survie de l’empire britannique qui s’étendait à l’époque sur tous les continents, en dépendait, et enfin pourquoi, tout près de nous en mars 2022 l’Ukraine et ses alliés continuent de célébrer comme une victoire retentissante le refoulement des forces spéciales russes aux portes de Kiev.
La ville de Kidal est la capitale de ce que les rebelles du nord appellent l’Azawad et qu’ils veulent ériger en un État souverain. Plus que Gao, Tombouctou, Ménaka ou Tessalit (qui étaient déjà tombées sous le contrôle de l’armée malienne) Kidal a toujours été la ville la plus importante de l’Azawad, le bastion rebelle où tout symbole de l’État malien était strictement proscrit. Une interdiction que les troupes françaises avaient scrupuleusement respectée quand elles avaient volé au secours du pouvoir issu du putsch perpétré contre le président Amadou Toumani Touré.
Il serait certes hasardeux de prétendre que la prise de Kidal met fin à la guerre au Mali. Le porte-parole des rebelles du CSP l’a encore rappelé au cas où Bamako l’aurait oublié, une nouvelle phase de la guerre commence. Les unités des forces armées maliennes isolées dans cette vaste étendue de sable, seront harcelées par des ennemis invisibles qui les attaqueront de nuit comme de jour. L’armée malienne perdra peut-être de nouveau Kidal. Mais pour l’instant, la capitale de la rébellion malienne est sous le contrôle des autorités maliennes. Et ça, personne ne pourra le contester.