Entre les deux blocs antagonistes parrainés par Patrice Talon et Boni Yayi, que restera-t-il de l’espace politique béninois ? Plusieurs autres acteurs brisés par la machine Talon, attendent de se relever.
Julien Coovi
Sébastien Ajavon a bâti une machine qui a explosé sous la pression de Patrice Talon. L’homme d’affaires, arrivé troisième au premier tour des élections présidentielles de 2016, a été contraint à l’exil et a laissé son réseau d’amitiés et de soutiens se dissoudre les uns dans les partis de Patrice Talon, les autres chez Yayi et pour les plus jeunes aux côtés du Professeur Joël Aïvo. L’USL, le parti qu’il a fondé en 2018, n’a pas résisté non plus à l’épreuve. Il ne compte plus aucun dirigeant visible. Que reste-t-il de tout ce réseau de chefs de parti politique, de députés et de maires qui proclamaient urbi et orbi que Ajavon était le seul capable de développer le Bénin ? Tout ce réseau a fondu comme neige au soleil. Pire, ils ont livré Sébastien Ajavon, à son bourreau qui le broie avec leur complicité. De Sébastien Ajavon, aujourd’hui au Bénin, il ne reste plus rien, sinon que des amis discrets, des militants apeurés, bref un réseau dormant qui n’attend que l’occasion de se réveiller. Car si par son silence et le désintérêt apparent qu’il montre pour la politique, Sébastien Ajavon a pu contribuer à la démobilisation de son réseau, son nom est encore évoqué avec une certaine admiration. Avec les moyens colossaux dont il dispose, nul doute qu’il n’aura aucun mal à remobiliser s’il en a l’occasion
Candidat à l’élection présidentielle de 2006 et plusieurs fois maire de Cotonou, Léhady Soglo fait partie des exilés politiques les plus célèbres du Bénin, depuis qu’il a trouvé refuge dans la capitale française, à la suite de ses embrouilles avec le régime de Patrice Talon. Il était à la tête d’un héritage politique vieillissant. Hissé à la présidence du parti (La Renaissance du Bénin) fondé en 1994 par sa mère, le Maire de Cotonou n’a pas su recruter dans la nouvelle génération d’acteurs politiques. Pour beaucoup, l’élite autour du Nicéphore Soglo et les piliers de la base politique de Rosine Soglo est morte ou partie à la retraite, usée par le temps. La Renaissance du Bénin avait atteint son apogée en 1999 quand elle rafla une trentaine de députés à l’assemblée nationale, mais avait commencé par décliner après l’échec aux présidentielles de 2001. Après les présidentielles de 2016 et la déroute de Lionel Zinsou, les compagnons de l’ancien Maire de Cotonou ont compris que l’électorat fon, base électorale de la RB, se tournerait vers le nouveau chef d’état. Patrice Talon est fon comme les Soglo et une fois consacré président de la République, il était prévisible que le pays fon lui fasse allégeance. L’ayant compris, les compagnons de Léhady Soglo l’ont démis de la présidence du parti et offert le parti des Soglo à Patrice Talon. Les derniers fidèles de Léhady Soglo ont quant à eux rejoint Boni Yayi avec qui ils ont créé le parti « Les Démocrates ». Il est dès lors difficile de considérer aujourd’hui Léhady Soglo comme un leader politique indépendant du Parti « Les Démocrates » qui s’oppose à Patrice Talon au nom de Boni Yayi. Au mieux, on le créditera de compter encore quelques fidèles ou d’être à la tête d’un réseau dormant. Mais comme le dit l’adage, un animal politique ne meurt jamais.
A l’avènement du pouvoir de la rupture, Adrien Houngbédji et le PRD ont voulu, contre vents et marrées, incarner un pôle indépendant. La ténacité de l’indéboulonnable leader des Tchoco-Tchoco a fait long feu. Le PRD et tous ces dirigeants ont fini par céder aux coups de boutoir du régime, conscients sans doute des nombreux cadavres que le président du PRD et ses cadres ont laissé à la CENA et dans les placards de l’Assemblée nationale pendant la dernière présidence d’Adrien Houngbédji. Depuis 2022, les organes, les dirigeants et les cadres du PRD ont été intégralement avalés par Patrice Talon. Mais l’esprit de ce grand parti rebelle, son idéal et ses militants à la base ont-ils suivi les dirigeants ? Cet esprit s’éveillera-t-il un jour, pour se détacher de Talon pour s’incarner dans un nouveau projet ? Le réseau dormant du PRD est là aussi une inconnue.
Avec Claudine Prudencio, le problème est autrement posé. Ce n’est pas la même catégorie que Sébastien Ajavon, Léhady Soglo et Adrien Houngbédji. Le cas de l’Union démocratique pour un Bénin nouveau (UDBN) est ici évoqué simplement pour mentionner que, comme les autres politiques, Claudine Prudencio a aussi nourri la volonté de ne pas se jeter dans les bras de Patrice Talon tout en se démarquant de Yayi Boni son ancien mentor. C’est du moins ce que la fondatrice de l’UDBN a tenté de faire. Mais l’aventure a tourné court car son projet d’incarner un pôle indépendant des inimitiés Yayi-Talon qui vampirisent la vie politique a échoué. Contre un éphémère strapontin à l’institut national de la femme (INF), Claudine Prudencio a commis l’erreur stratégique de lâcher l’unique instrument qui lui permettait d’exister sur la scène politique. L’UDBN est d’abord mort et enterré dans le Bloc Républicain. Ensuite, le parti s’est ressuscité avant d’être assommé par les électeurs lors des législatives de janvier 2023.
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