L’éditorial d’Arimi Choubadé
(J’emprunte le mot “oxymore” au Président Adrien Houngbédji qui l’a utilisé au cours d’un plateau télé sur Canal 3 animé par André Dossa en 2015)
Applaudir un mauvais acte de soi-même. Allusion à ces honorables qui ont failli se rompre les phalanges dans des ovations joyeuses suite à la colère présidentielle révélée, dans un hémicycle entre torpeur, indignation et incrédulité. C’était à l’occasion du discours sur l’état de la nation 2024, le 20 décembre. L’honneur de l’article 72 de la constitution est sauf. La première allocution après la tentative de coup d’État ; consécutive à la rupture violente au sein de la fratrie qui gouverne le pays, la rupture entre deux amis-frères, la rupture de la rupture. Cela devait provoquer des étincelles sismiques. Patrice Talon n’a pas fait mentir les prévisions. Personne n’était dupe au sujet des destinataires de ce premier exutoire de ressentiments après le grand complot à l’interne : les faux partisans griots sans contenu, sans compétence mais traîtres usurpateurs.
Le rush présidentiel était donc attendu à l’endroit de tous les tapis dans l’ombre du pouvoir mais désireux de s’en approprier par des voies détournées (tentative de coup d’État). Le cadrage exclut d’office les opposants ; eux savent à quoi s’en tenir depuis 2016 avec l’avènement de la rage et la ruse. En fait, les applaudisseurs sont les mêmes qui devraient désormais s’inquiéter pour le nouveau virage à venir. C’est pour eux que c’est fini les privilèges d’élection sans concurrents, les rapines des répressions sauvages d’opposants, les tueries sans justice, les malversations réglées à l’amiable.
Le régime de la rupture n’a jamais été clément avec les opposants à qui il a été précisé que le pardon est une faute. Le régime a toujours été implacable envers eux. Ceux dont les proches ont trépassé par des tirs à balles réelles en savent long sur le sujet. Pareil pour les pensionnaires des prisons ou les exilés pour mobiles politiques. Même le simple citoyen a perdu l’essentiel des avantages sociaux de base dont la césarienne et la dialyse gratuites pendant que tombent en cascade les taxes sur véhicule à moteur, sur la paternité, sur les péages dont les coûts ont été renchéris ainsi que les pièces d’état civil.
Y a-t-il plus d’usurpateurs incompétents, vendeurs d’illusions, qu’un député nommé ou déclaré élu après caducité consacrée des résultats ? Que le “tiré au sort” placé au-dessus d’un maire nommé ou élu ? Leur tour est-il arrivé de goûter eux aussi à la rupture-sans-pardon ? Cette rupture qu’ils ont connue protectrice, complaisante, magnanime jusqu’à la tentative de coup d’État dévoilée en septembre 2024 seulement. Un converti à la rupture, condamné à une peine d’emprisonnement ferme de 6 ans, dans un dossier de faux médicaments, se retrouve à animer des meetings en toute quiétude après un court exil. Voilà ceux pour qui le glas a sonné mais qui applaudissent pourtant. Un pays est riche de son passé (honteux ou pas) et de ces hommes. Il n’est pas riche d’un quelconque “regard extérieur”.
Autre posture d’oxymore : se convaincre que la route fait manger tout en faisant détruire toutes les routes des frontières avec les voisins sous prétexte que les paysans y font passer des produits agricoles dont le soja surtout.
Les oxymores savent tout ça mais applaudissent quand même !