L’éditorial d’Arimi Choubadé
Le bilan de 10 ans de rupture est désormais connu : EXCLUSION. Houngbédji, qui n’a pas encore définitivement renié son appartenance au régime Talon, est formel : les prisonniers politiques doivent être libérés ; les exilés doivent rentrer au pays. Déchirant, du coup, en lambeaux, une règle d’or appliquée depuis 2016, d’une main de fer, au sein de la famille de la rupture, c’est-à-dire l’omerta. Malheur à qui ose mettre le doigt sur ce qui ne va (et Dieu sait que rien ne va sur le plan des droits de l’homme et de la démocratie). Depuis le 1er février 2025, plus personne ne peut dire n’avoir pas entendu de la part d’Adrien Houngbédji que le pays se porte très mal.
La veille de cette entorse à la loi du silence, hommage était rendu en grande pompe aux prétendus sages de l’UPR sans la présence d’Adrien Houngbedji dont le l’emblème chéri, l’arc-en-ciel, surplombe toujours le baobab en formant le logo du parti. Une illustration grandeur nature de l’ostracisme ambiant dénoncé avec force le lendemain à Adjinan à Porto-Novo. Lui, l’un des rares acteurs majeurs de la conférence nationale encore en activité, ne pouvait assister à son propre requiem sans réagir. Surtout en plein processus de liquidation des acquis de ces assises historiques de février 1990. Comme le dit l’adage : “Lorsqu’on ne sait plus où on va, on se souvient d’où on vient”.
En pleine répression des voies dissonantes au sein du régime, Houngbédji et les siens n’ont pas oublié avoir maintenu vaille que la vaille quelques attributs notamment le slogan “tchoco tchoco” et l’arc-en-ciel. Largement suffisant pour ressusciter le légendaire PRD, initialement lancé par l’ancien président de la République feu Sourou Migan Apithy dans les années 60, et qui a repris vie en 1990 après une hibernation forcée au cours des années de plomb de la révolution marxiste léniniste. On le donnait pour mort et définitivement enterré en 2022 à l’issue de ce qu’ils ont appelé le congrès de la fusion. Mais apparemment la messe est loin d’être dite.
Et l’opinion nationale de s’interroger sur les représailles de cette effronterie vis-à-vis du pouvoir. De mémoire de Béninois, rarement un acteur politique a osé remettre en cause tout le management de Patrice Talon tout en restant à l’intérieur du système. “C’est la méthode de gouvernement que vous employez qui entraîne la forme d’opposition que vous avez”, a-t-il confirmé. Sans occuper un poste officiel par nomination ou par élection depuis 2019 qu’il a transmis le maillet du perchoir du parlement, Houngbédji n’en demeure pas moins un acteur important de la mouvance présidentielle. Des lieutenants à lui sont encore au gouvernement, au parlement et dans quelques institutions de la République. Sauf que le patriarche d’Adjinan n’est pas n’importe qui. Il est réputé être l’un des redoutables en adversité politique aussi bien avec Kérékou dictateur puis reconverti à la démocratie, qu’avec Soglo et Yayi. Il ne manquait que l’épisode Houngbédji opposant sous Talon. Nous y sommes presque.
Le mythe de la terreur absolue a pris un sérieux coup.