L’éditorial de Bruno Charles
J’ai été extrêmement surpris de voir les autorités françaises contester avec autant de vigueur à la junte nigérienne, le pouvoir d’expulser leur ambassadeur et leurs militaires du territoire nigérien. J’ai été encore plus surpris par les arguments avancés pour justifier cette ‘’résistance’’ : ce sont des putschistes, ils ont renversé un gouvernement démocratique et n’auraient donc aucune légitimité de prendre ce genre de décision.
Pourtant cette expulsion n’était pas la première du genre à laquelle le gouvernement français fait face dans la région. Elle a dû retirer, sans rechigner, son ambassadeur et ses soldats du Mali et du Burkina Faso, à la demande des juntes militaires qui s’y sont établies après deux coups d’État successifs. Pourquoi avait-elle déféré aux injonctions de ces deux juntes militaires ? Parce qu’elles étaient moins putschistes ou avaient-elles commis des putschs plus légitimes que celle la junte nigérienne ? Qu’est-ce qui justifie ce déficit de cohérence de la part de Paris ?
Je ne veux pas joindre ma voix à celles qui soupçonnent la France de vouloir intervenir militairement à tout prix au Niger parce que ses intérêts stratégiques y seraient plus importants qu’ailleurs sur le continent africain, Même si l’Algérie dit avoir rejeté une demande d’autorisation de survol de son territoire pour l’armée française, je préfère m’en tenir au démenti formel de Paris. Mais des questions se poseront très vite concernant l’ambassadeur que la France refuse de rappeler : Comment peut-elle garantir sa sécurité à Niamey sans provoquer des incidents graves avec les nigériens qui après tout, sont chez eux ? Comment assureront-ils son approvisionnement sans faire appel à leurs propres troupes, si la résidence de l’ambassadeur est assiégée par les nigériens ? Emmanuel Macron ordonnera-t-il à ses soldats d’ouvrir le feu sur des nigériens chez eux comme l’a fait avant lui, Jacques Chirac le 9 novembre 2004 à Abidjan ?
En France, on accuse beaucoup les adversaires géopolitiques de déstabilisation dans les anciennes colonies africaines, et on n’a pas forcément tort. Mais l’on minimise un peu trop à mon sens le manque de clarté et parfois l’amateurisme des nouvelles autorités françaises en ce qui concerne leur politique africaine. C’est l’un des principaux accélérateurs du recul de la France en Afrique.