L’éditorial d’Arimi Choubadé
Combien de motos arraisonnées, violemment arrachées à leurs utilisateurs depuis quelques semaines ? Des dizaines, des milliers ? Un million ou plus ? Au pays où la mobilité urbaine (comme en rase campagne) est fortement tributaire des engins à deux roues, il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que le Bénin vit en ce début d’année 2024 un grand chamboulement dans les villes, les villages et surtout les hameaux les plus reculés. L’orage n’épargne presque aucun moyen de locomotion à l’exception des gros porteurs imperturbables pour des raisons que seuls les dignitaires du régime connaissent certainement.
Il y a longtemps que le devoir de compte rendu a été biffé des obligations du gouvernement de la rupture dépositaire de tous les droits sur les citoyens sans aucune contrepartie. Salaires du chef de l’État et des membres de son gouvernement sont demeurés les secrets d’État les plus mieux gardés. Des mois que la frontière avec le Niger est hermétiquement fermée sans que jamais personne n’éclaire les citoyens de l’impact et des conséquences. Seules les victimes directes peuvent témoigner des drames subis dans leur intimité. Il en a été ainsi des crises de frontières avec le Nigeria ou avec le Togo à travers la traque des producteurs de coton et de soja. Parce qu’en définitive tout l’effort de gouvernance repose sur les revenus de citoyens terrorisés et privés de l’essentiel des services sociaux de base.
Revenons à la grande vendetta lancée contre le port de casque des motocyclistes et autres infractions au code de la route sous prétexte de réduire les risques d’accidents. Même là encore, la propagande n’a pu clairement expliquer à l’opinion les objectifs chiffrés permettant de connaître exactement le nombre de vies préservées par la traque sauvage. Comment fonctionne alors le renouveau industriel dont on vante l’avènement récent si sa potentielle main-d’œuvre est prise dans l’engrenage de la paralysie actuelle sur la mobilité urbaine et périurbaine ? Puisque personne n’est épargné. Fonctionnaires, étudiants, taximen, commerçants parcourent toute la journée les commissariats et autres lieux d’entreposage des véhicules saisis parfois avec un zèle arrogant voire violent.
Le citoyen souhaiterait comprendre un jour la logique économique qui consiste à perturber ainsi un si grand nombre d’agents économiques du pays à une si grande échelle. Pourtant la rupture avait coutume de proclamer sa flamme dans la diversification de l’agriculture, le tourisme et l’industrialisation. Jamais il n’avait été question que la course effrénée aux contraventions devrait être l’un des leviers de mobilisation de ressources. En effet une contravention n’apporte aucune plus-value à l’économie nationale. Il s’agit de ressources qui passent des mains des citoyens vers le trésor public avec des dégâts collatéraux considérables. Et c’est utile de rappeler que ces vindictes policières causent des pertes, des abandons voire des vols sur les lieux d’entreposage de moto. Une sorte de paupérisation des populations organisée par l’État censé les protéger.
Il ne reste qu’à déclassifier la police vers la rubrique des régies financières.