«Je m’en fous si des prisonniers meurent ». Les mots de la régisseuse de la prison de Cotonou font peur !

Bénin : L'enfer des prisons !

Incompétence, zèle, abus de fonctions ou mauvaise gestion de la pression ? Les surveillants pénitentiaires, prisonniers et visiteurs de la prison civile de Cotonou manquent de mots pour qualifier les agissements de la capitaine major Thècle Kodo. En moins de 10 jours, la nouvelle régisseuse a transformé la prison de Cotonou en un enfer tant pour les prisonniers que pour leurs visiteurs.

La prison civile de Cotonou n’était déjà pas une expérience facile pour ses usagers. Entre l’instabilité au niveau des responsables de la prison et les conditions inhumaines qui sont imposées aux prisonniers, cette maison d’arrêt était une expérience traumatisante pour ses pensionnaires et pour les visiteurs. Mais elle est carrément mal gérée et livrée à l’improvisation depuis que la Capitaine Major Thècle Kodo y a été installée voici à peine deux semaines.

Un problème de gouvernance

Avant sa nomination, Mme Kodo était régisseuse de la prison de Ouidah qu’elle a administrée pendant plus de deux ans. A l’encontre des 560 détenus de Ouidah, Mme Kodo a multiplié, sans conséquence, des brimades inutiles et des actes d’abus de pouvoir. Avec la mutation de la Capitaine Thècle Kodo à Cotonou, elle hérite d’une prison sensible de 3000 prisonniers. Est-ce pour affirmer son autorité ou pour détourner le regard de ce qui apparaît comme une incapacité à gérer la plus grande prison du pays, que la nouvelle régisseuse exagère ? « De tous les régisseurs qui sont passés ici depuis les 6 ans que j’ai déjà passés dans cette prison, la nouvelle est celle que les prisonniers dénoncent aussi catégoriquement », nous confie une source interne de la prison.

Et pour cause, Mme Thècle Kodo est sur tous les fronts. Elle est présente partout, se mêle même de la distribution des rations. On la voit à la fermeture des cellules. Le comble de la désorganisation qui règne dans cette prison, c’est de voir la régisseuse d’une prison en train de mener elle-même les opérations de fouille corporelle des visiteurs et des repas amenés par ces derniers.

Si le chef d’une équipe est obligé de travailler à la place de ses collaborateurs ou d’être derrière eux pour que le travail soit bien fait, ça veut dire que l’organisation n’est pas bonne ou que les équipes ne sont pas bien coordonnées ou enfin que le chef d’équipe n’est pas un bon manager.

Les femmes sont déshabillées

Aux heures de visite par exemple, on peut la voir, installée elle-même aux commandes du scanner comme si ses collaborateurs n’étaient pas assez compétents ou assez dignes de confiance pour faire les fouilles. Mais ce sont les femmes visiteuses qui sont les principales victimes des abus de la capitaine major Thècle Kodo. Les femmes, épouses, sœurs, filles, mères, tantes ou grands-mères des détenus de Cotonou subissent les plus grosses humiliations. Elles sont désormais obligées de se déshabiller à l’entrée de la prison. Elles doivent se mettre en slip et en soutien-gorge devant la policière à qui la régisseure demande d’introduire ses doigts jusque dans leurs parties intimes. « Je ne sais pas ce qui autorise cette femme à imposer cette humiliation aux femmes visiteuses, mais ça ne peut pas continuer comme ça », s’indigne un détenu qui a dû demander à son épouse de ne plus venir lui rendre visite jusqu’à nouvel ordre. « L’autre jour, une autre femme avait déjà passé les deux premières étapes du scanner et de la cabine de fouilles, avant d’arriver devant la policière du détecteur de métaux. Quand l’appareil a sonné au niveau de la taille de la femme, la policière lui a demandé de défaire son pagne devant elle, et tout le monde a pu voir les perles métalliques de la femme », précise-t-il.

Depuis la prise de fonction de Thècle Kodo, les procédures (souvent inutiles et inefficaces) pour visiter les prisonniers et leur apporter de quoi vivre en prison se sont tellement compliquées que certaines personnes venant de l’intérieur du pays, n’arrivent plus à voir leurs parents avant la fin des heures de visite. « Quand on finit par traverser toutes ces complications, à peine nous nous asseyons en face de nos parents que les policiers viennent nous chasser », se désole Innocent T. dont le beau-frère est en détention préventive depuis 2 ans.

Cruauté

Mme Thècle Kodo ne s’arrête pas seulement à ces abus, elle veut aussi s’intéresser à la composition des aliments que l’on apporte aux prisonniers. Un des policiers nous confie qu’ils ont reçu la consigne de dire aux familles de séparer désormais les viandes et les poissons dans la même sauce avant de les apporter. À quelle fin ? On ne saurait le dire.

Une autre nouveauté de la capitaine Kodo consiste à demander aux visiteurs de ne plus apporter de la farine de maïs aux prisonniers. Pour quelle raison ? Notre source n’a pas plus de précision.


Mais le plus cruel, c’est quand elle s’attaque, sans aucune pitié, à la ventilation dans les bâtiments surpeuplés de la prison. Madame Thècle Kodo est déterminée à sortir tous les ventilateurs des cellules où sont massés 400 voire 500 détenus. Le dimanche 6 octobre 2024, agacée par les coupures de courants qui ont causé l’incendie du compteur de la prison, elle a menacé dans le parloir de sortir tous les ventilateurs, malgré la chaleur suffocante et l’humidité qui règnent dans les bâtiments. « Si ça ne tenait qu’à moi, je sortirais tous les ventilateurs. Quand je le dis, on me dit que les gens vont mourir. Je m’en fous si des prisonniers meurent ». Ces propos sont tenus en plein parloir devant des prisonniers et leurs visiteurs.


Risques de mutinerie

Qu’est-ce qui justifie ces actes de cruauté de la part d’une femme ? Peut-être le stress, la pression du poste ou juste l’incapacité de la nouvelle régisseuse à gérer la complexité de la responsabilité qu’on lui a confiée ? C’est en tout cas un grand mystère dont la clé se trouve peut-être dans ses fonctions antérieures. Avant d’être promue régisseuse de la plus grande prison du Bénin, la capitaine major Thècle Kodo était en charge de la prison de Ouidah, une petite maison d’arrêt de moins de 600 détenus où elle faisait la pluie et le beau temps. Là-bas, les usagers souffraient en silence et ses excès n’avaient pas beaucoup de répercussions sur la fluidité des visites et sur les conditions de détention.

La colère des détenus de Cotonou commence à s’intensifier, faisant craindre un risque de mutinerie. La Direction de l’Agence Pénitentiaire du Bénin est-elle prête à prendre le risque et à en assumer les conséquences ?


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