Talon avait bien préparé son acte. Le chef de l’État béninois n’a pas manqué l’occasion d’asséner quelques coups au média du groupe France Médias Monde dont le travail sur le Bénin lui déplaisait au plus haut point.
Lors d’un point de presse conjoint avec son homologue nigérien en visite de travail à Cotonou, le président béninois s’est vertement attaqué à RFI. Patrice Talon a principalement reproché au média de s’attarder sur les attaques des djihadistes dans le nord Bénin et de les amplifier, alors que les efforts de développement consentis par son gouvernement n’auraient pas d’intérêt à leurs yeux.
Le chef de l’Etat béninois n’a pas supporté la question du journaliste Jean-Luc Aplogan, correspondant de RFI au Bénin, sur “la présence de plus en plus menaçante des djihadistes dans le nord du Bénin et sur l’approche des deux pays (Bénin et Niger) pour résoudre la situation. Pour lui, c’est une faute de la part d’un journaliste que de confondre les qualificatifs “régulier” et “sporadique”. car selon lui, s’il y a toujours des attaques dans la région, elles sont devenues plutôt rares, grâce aux efforts du gouvernement. « C’est dommage que tout ce qui vous intéresse et dont vous faîtes l’apologie ce n’est que des choses très mauvaises », a asséné Patrice Talon devant un parterre de journalistes médusés. Mais cet accrochage rhétorique cache des motivations beaucoup moins triviales.
Depuis son avènement au pouvoir en 2016, Patrice Talon a placé le développement et la promotion du tourisme au rang des priorités stratégiques de son programme d’actions. Son ambition étant de « propulser le Bénin au rang des destinations de rêve… ». Dès lors, plusieurs projets avaient été initiés pour le développement des parcs animaliers et des réserves de biosphère W et de la Pendjari. Patrice Talon a injecté près de 40 milliards par le biais de son fils Lionel Talon dans ces deux parcs pour, notamment, aménager les routes existantes et ouvrir de nouvelles pistes saisonnières pour les safaris, construire de nouveaux hôtels et sites de camping. Par ailleurs, Le gouvernement s’est aussi investi dans la protection de la faune sauvage. Sur ce volet, il y a eu le recrutement et la formation de plus d’une centaine de rangers, recrutés parmi les populations autochtones, pour le compte des brigades de protection et de sécurisation de ces parcs. Un programme de multiplication de certaines espèces rares est également initié. L’objectif visé étant de lutter contre le braconnage et de garantir de bons moments de safari aux touristes. Seulement, tous ces efforts de l’homme d’affaires sont en train d’être ruinés avec la propagation du terrorisme au nord du Bénin. Le pays a enregistré les premières attaques terroristes dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2021. Depuis, plusieurs autres attaques ont été enregistrées et les djihadistes procèdent régulièrement à des enlèvements, y compris dans les parcs de la Pendjari et du W qui leur a longtemps servi de base arrière.
Le climat de peur instauré par la menace terroriste n’encourage pas les quelques touristes qui visitent le pays à se rendre dans ces réserves naturelles. Sans oublier que plusieurs pays occidentaux d’où proviennent ces visiteurs ont déjà classé le Nord Bénin comme Zone Rouge qu’ils déconseillent à leurs ressortissants. C’est ainsi que la présence des djihadistes dans cette région a annihilé les investissements des Talon. Un casse-tête auquel vient s’ajouter la propension des médias internationaux et précisément de RFI à rendre compte à l’opinion chaque fois que des attaques se produisent dans le pays. Ce qui n’est visiblement pas du goût de Patrice Talon, l’homme d’affaires devenu président qui verse sa désolation sur le média.