L’éditorial d’Arimi Choubadé
9 ans pour enterrer la Conférence Nationale de février 1990 en vain. Le “Bénin révélé” s’y est essayé dès décembre 2016 par une méga représentation en direct sur la télévision nationale depuis le palais de la Marina où chaque ministre était convié à dévoiler un pan de ce nouveau Bénin, la révolution du siècle ; ce Bénin que personne n’aurait jamais vu auparavant. Le monde avait été averti. Un programme d’actions du gouvernement digne d’une constellation ; un management de génie, comme si un morceau du paradis était descendu sur ce petit bord de l’océan Atlantique. Et un discours volontairement futuriste destiné à faire pâlir tout ce qu’on avait pu imaginer au soir du 28 février 1990, depuis l’emblématique hôtel Plm Alédjo de Cotonou désormais englouti sous les eaux de la mer. Le vestige n’a trouvé personne pour le sauver de l’érosion côtière. De toutes les façons, le Bénin du renouveau démocratique a fini d’exister au profit du “Bénin révélé”. Même si au bout de 10 ans, la seule révélation qui pointe à l’horizon, c’est le retour, 35 ans après, à la situation antérieure.
Eh oui ! au Bénin de 2025, il y a encore des tués qui attendent une sépulture digne de martyrs de la violence politique gratuite et aveugle. Des personnalités politiques continuent d’égrener leur séjour carcéral pendant que d’autres écument des pays étrangers à la recherche de gîte, de sécurité et de tranquillité. Comme si la Conférence des Forces Vives de la Nation n’avait jamais eu lieu. Ce fut pourtant le printemps noir, un véritable glas pour tous les régimes à parti unique d’Afrique, tous, sans exception. Après les assises de 1990, du 19 au 28 février, à Cotonou, plus aucun État africain ne pouvait contenir les élans de multipartisme. Oui, cela s’est passé au Bénin ; ce n’était ni un leurre, ni un accident, encore moins une farce. C’était une étape de vie d’une nation en faillite généralisée finalement, réconciliée avec elle-même. La Conférence Nationale est devenue un esprit ; il ne peut vieillir encore moins mourir.
L’épilogue n’était écrit nulle part avant son démarrage. Les organisateurs ont dû ravaler toutes leurs prédictions au fur et à mesure de l’évolution des débats. Ce qui devrait constituer des retrouvailles de 48 h voire de 72 h a été finalement arrêté au bout de 9 jours, sans interruption. D’un classique forum de relance des activités politiques et économiques en panne, la Conférence a fini par proclamer sa souveraineté pour se muer en états généraux d’une nouvelle République. Personne n’avait vu venir. Certains caciques du régime militaire dictatorial avaient même parlé de coup d’État civil. Moins d’une semaine après la fin des travaux, les écoles ont été rouvertes, les fonctionnaires ont repris du service, des banques sont réapparues dans le pays, le multipartisme intégral a été restauré ; 35 ans que cela dure.
Les effaceurs de mémoire n’avaient pas besoin d’un effort particulier afin de parvenir à leurs fins. Il leur a suffi de surfer sur la légendaire paresse mémorielle du Bénin. En plus de la disparition des symboles, nos souvenirs ont été altérés par une pauvreté intellectuelle indigne du quartier dit latin de l’Afrique. Il va falloir encore s’interroger sur la disponibilité de documents sonores, de transcriptions de chaque mot prononcé durant ces 9 jours ou de compilations des directs organisés par la radio nationale. Depuis 35 ans, aucun programme d’enseignement ne prend en compte ce passage de notre histoire. Dans un contexte d’inexistence d’écoles ou de centres de formation continue dans les partis politiques. Chacun veut avoir sa version en fonction de sa conjoncture. À l’ère du numérique, les plateaux médias en sont toujours à se bousculer autour des quelques délégués survivants présents aux travaux ; offrant ainsi à la jeunesse des témoignages oscillants de vieillards qui n’aspirent qu’à la tranquillité et la paix.
La Conférence Nationale pourra-t-elle réellement après le dernier survivant ?