Malgré les réformes ambitieuses du gouvernement Talon, des faux documents d’État civil continuent de sortir par centaines de l’Agence Nationale d’Identification des Personnes.
C’est l’une des premières réformes lancées par le gouvernement Talon après son installation. Dès l’année 2016 en effet, le nouveau pouvoir s’était lancé dans la modernisation du processus d’identification des personnes et dans la sécurisation et la fiabilisation des données collectées au cours de ce processus. C’était une véritable priorité du gouvernement. L’idée derrière cette priorité, c’est que l’état civil était la base de la réussite de toutes les autres réformes envisagées au niveau de l’économie, de l’administration publique, du capital humain et même de gestion électorale. Dans la foulée, l’Agence Nationale d’Identification des Personnes avait été créée et confiée à un des plus proches collaborateurs du chef de l’État, monsieur Cyrille Gougbédji.
Près de huit (8) après le début de cette réforme, force est de constater que d’inquiétantes brèches persistent dans le dispositif. C’est du moins ce qu’indique l’ONG Benin Diaspora Assistance qui vient de rédiger un long rapport suite à une enquête menée dans plusieurs pays du Maghreb et du Moyen Orient en Août et Septembre 2023.
Faux en écriture publique
Selon le rapport qu’a pu se procurer OLOFOFO, des étrangers non naturalisés qui détiennent « de vrais faux documents béninois » d’identification des personnes sont légion dans les rangs de la diaspora béninoise présente dans ces pays, notamment en Tunisie, au Maroc, au Liban ou au Koweit. « Dans certains pays visités, nous avons rencontré des mineurs détenteurs de documents délivrés par l’ANIP et de vrais faux passeports précisant qu’ils sont majeurs », déplore l’ONG. De même, l’ONG assure avoir rencontré des dizaines de béninois dont la majorité ne souffre d’aucun doute, mais qui détiennent des documents d’identité qui les présentent comme étant des mineurs d’âge. Comment des personnes majeures peuvent-elles passer officiellement pour des mineurs et que des mineurs peuvent-ils posséder des documents de majeurs ? Y a-t-il des failles objectives dans le système de vérification des identités de l’ANIP ou serait-ce des documents délibérément tronqués pour rendre service ? L’ONG penche plutôt pour la dernière hypothèse : « ils ont bénéficié de faux en écriture publique au Bénin avant leur voyage », assure le communiqué de Benin Diaspora Assistance qui insiste : « à l’ANIP, il y a des couloirs de complicité à tous niveaux, pour obtenir de faux documents certifiés par l’ANIP ».
Étrangers non naturalisés avec des documents béninois
Des constats fort étonnants quand on sait tout le mal que se donne le gouvernement pour sécuriser l’identification des personnes. L’ONG assure avoir trouvé lors de sa dernière enquête, des documents béninois sur des ressortissants d’autres pays. « Des togolais, tchadiens, ivoiriens, maliens, camerounais etc. ont fini par révéler les montants payés pour l’obtention de leurs documents administratifs signés des autorités compétentes béninoises. », affirme le communiqué.
Le rapport pointe sans ambigüité la responsabilité de l’ANIP, mais particulièrement de son ancien directeur Général, Cyrille Gougbédji dont la gestion « catastrophique » basée sur « le népotisme » serait la principale source des dysfonctionnements au niveau de l’État civile béninois. « Au regard des dates d’obtention des faux documents certifiés par l’ANIP, beaucoup ont été établis sous le règne de Cyrille GOUGBEDJI et malheureusement, le Rwandais et ancien maire de Kigali (Pascal Nyamulinda, ndlr) venu le remplacer n’a pu rien faire pour extirper de l’état-civil béninois, les fausses identités créées par GOUGBEDJI. », assène l’ONG.
Le rapport pointe notamment les recrutements politiques effectués à l’agence sous le mandat de Cyrille Gougbédji, et l’incompétence du personnel de l’ANIP qui se traduit par les erreurs d’orthographe, d’identité, de date de naissance constatées sur les documents délivrés par l’ANIP. « Par exemple à l’ambassade du Bénin à Paris, 30% des demandes envoyées à l’ANIP malgré les fiches bien remplies reviennent avec des erreurs et des identités modifiées qui n’ont souvent rien à voir avec les déclarations initiales. C’est le cas d’une déclaration de naissance d’un enfant né le 01 janvier 2023 sur laquelle l’ANIP a fait plusieurs erreurs sur l’acte de naissance revenu en février dernier. Non seulement ils ont changé l’identité des parents du bébé mais ils ont mis 01 janvier 2022 pour la date de naissance au lieu de 01 janvier 2023. Et comme si ça ne suffisait pas, l’ANIP n’a toujours pas encore répondu à la demande de correction effectuée par l’ambassade du Bénin à Paris depuis février 2023 à ce jour ».
Réseau de corruption
En plus du réseau de délivrance de faux documents, Benin Diaspora Assistance en est convaincu, les erreurs sur certains documents sont faites à dessein pour extorquer de l’argent aux usagers. « Lorsque vous contactez les agents de l’ANIP pour la correction d’un document qu’ils ont pourtant mal établi à leur niveau, ils ne vous répondent pas dans les délais réglementaires. Si vous contactez dès lors leurs amis qui disent aider les gens à vite obtenir leurs documents avec à la clé une facturation triple par rapport au tarif officiel, ces derniers contactent leurs complices au sein de l’ANIP et vous avez ainsi votre document en moins de 24 heures. »
Pour l’ONG, ces pratiques ont toujours cours malgré l’arrivée du rwandais à la tête de l’Agence.