L’éditorial d’Arimi Choubadé
Imaginons un Bénin où tous les prisonniers politiques sont dehors ! Et les exilés de retour au pays ! Rien que pour avoir formulé ce vœu, Adrien Houngbédji a eu droit à plusieurs jours de traitement spécial par médias et réseaux sociaux interposés. Une violence insolente dans l’ère de la pensée officielle du palais de la Marina : “le pardon est une faute”. Pourtant, le Bénin avait déjà réussi à se sortir d’impasse en 1989, en libérant les prisonniers politiques, en créant des conditions de retour au pays des exilés et en convoquant la conférence nationale de février 1990, fondatrice du Bénin du renouveau démocratique. Aucun pays africain n’a pu résister à ce printemps précurseur du multipartisme partout en Afrique.
Le prétexte du procès “régulier” devant une juridiction d’exception, la Cour de Répression des Infractions Criminelles et du Terrorisme (CRIET) a perdu toute sa fortification juridique dès lors que de prestigieux organismes tels que la commission des droits de l’homme de l’ONU et de nombreux intellectuels de renom, de par le monde, ont réclamé la libération des deux plus emblématiques de ces prisonniers politiques à savoir Reckya Madougou et Joël Aïvo. L’impassibilité du régime face à toutes ces sollicitations témoigne visiblement d’une posture plus que politique pour ne pas dire politicienne. Est-ce parce que ces gens-là sont en prison que Talon a pu finir son dernier mandat de 5 ans ?
Il est clairement établi que le régime de la rupture conteste le caractère politique de l’emprisonnement de Reckya Madougou et de Joël Aïvo, entre autres. Pourtant tout dans ces dossiers conduit vers la politique. Tous les deux ont fait un acte éminemment politique à savoir postuler à l’élection présidentielle du 11 avril 2021. Leurs dossiers respectifs ont été rejetés ; Reckya Madougou a été enlevée le 3 mars avant même le scrutin ; Joël Aïvo l’a été le 15 avril, soit quelques jours seulement après le scrutin. Il est reproché à la première de vouloir assassiner une autorité politique locale de Parakou : le mobile lui-même n’est-il pas politique ? Quant au second, il est accusé de blanchiment d’argent par le fait d’avoir pu payer la caution sur son dossier de candidature rejeté. Là encore, n’est-ce pas un mobile politique ? Pourquoi alors continuer à dire qu’il n’y a pas de prisonniers politiques au Bénin ?
Dans une certaine mesure, Olivier Boko et Oswald Homéky peuvent se réclamer “prisonniers politiques” par le simple fait qu’ils ont été condamnés pour avoir entrepris de prendre le pouvoir politique par un coup d’État. De quel crime sont coupables les voix qui demandent que tous ces cas fassent l’objet d’une discussion élargie à toutes les tendances contrairement à la parodie organisée en 2019 et dont les protagonistes se sont retrouvés au cœur de l’animation du régime Talon par la suite ? Des sortes de supplétifs en réserve mais qui ont fini par sortir en surface dans les différentes institutions à solde.
Leur libération gêne qui ?