Le président béninois se prononçait ce jeudi 30 mai sur les dernières évolutions de la crise entre son pays et le Niger. Lundi dernier, le ministre des Mines du Bénin était à Niamey pour transmettre un message de Patrice Talon au général Tiani. Mais ce dernier a refusé de le recevoir. Au lendemain de cette énième humiliation, le chef de l’État béninois a choisi les médias pour faire quelques mises au point.
« Le président Tchiani n’a pas reçu le ministre Adambi que j’ai pourtant expressément chargé de lui remettre ma lettre d’apaisement et d’invite au rétablissement de la fraternité et de la libre circulation des personnes et des biens entre le Niger et le Bénin ». C’est l’une des phrases marquantes de l’allocution télévisée de Patrice Talon qui témoigne que ce dernier est essoufflé par le bras de fer qui a longtemps prévalu entre son gouvernement et le régime militaire qui dirige le Niger depuis fin juillet 2023. Lundi dernier, une réunion du comité interétatique de suivi du pipeline pétrolier réunissait des responsables des deux pays ainsi que ceux de la société chinoise Wapco. Elle a eu lieu à Niamey, sur demande des autorités nigériennes. Cela faisait suite aux déconvenues enregistrées il y a quelques semaines suite au blocage du pétrole nigérien au port pétrolier de Sèmè. Le gouvernement béninois avait interdit le chargement de l’hydrocarbure aux navires chinois en réponse à la position du Niger qui maintenait sa frontière fermée.
Le principal but de la réunion de ce lundi à Niamey était de discuter des « voies de mise en œuvre normale du contrat de transit du pétrole nigérien par le Bénin », explique Patrice Talon. Le chef du gouvernement béninois a alors profité du déplacement de son ministre des Mines sur Niamey pour envoyer un message au patron de la junte nigérienne, l’invitant à fumer le calumet de la paix. Mais la démarche n’a pu aboutir, car le président Tiani du Niger n’a pas reçu l’émissaire de Patrice Talon, malgré le fait que « le Bénin n’a fait l’économie d’aucun effort, d’aucune humilité, pour permettre le rétablissement de la concorde entre le Niger et Bénin ». En effet, la junte nigérienne est sur la défensive avec le Bénin depuis que le président Talon a appliqué les sanctions économiques infligées par la CEDEAO, et a pris le lead de l’initiative d’une intervention militaire au Niger. Mais pour Cotonou, cette situation relèverait du passé et l’idéal serait de revenir à de bons sentiments pour le bien des populations des deux États. « Le temps de la protestation et des sanctions en raison du coup d’État qui a lieu au Niger est passé ; ce temps est passé pour tout le monde, et il n’y a plus rien qui justifierait aujourd’hui que les autorités béninoises ne soient pas dans la bienveillance à l’égard des autorités nigériennes actuelles », a laissé entendre Patrice Talon qui croit toujours en un dégel de la situation.
En ce qui concerne l’exploitation du pipeline pour le transport du pétrole nigérien par le Bénin, Patrice Talon semble demeurer dans l’intransigeance. À l’en croire, ce sont les formalités douanières qui empêchent le bon fonctionnement de l’oléoduc pour l’heure. Or, ces formalités « ne sont possibles que si le passage des biens par les frontières est permis », explique le président béninois qui ajoute que si les frontières ne sont pas ouvertes pour le passage formel du pétrole, les formalités douanières permettant son transit par le territoire du Bénin ne sont techniquement pas possibles. Il évoque donc deux options pour la reprise de l’acheminement du pétrole nigérien au port de Sèmè pour son chargement dans les navires. Soit, le Niger ouvre sa frontière terrestre avec le Bénin, soit il procède à une déclaration officielle pour dire que cette fermeture fait exception au pétrole. « Une telle clarification serait susceptible de permettre un traitement juridique différencié du pétrole venant du Niger. À défaut de ce minimum, toute formalité douanière de transit du pétrole reste légalement impossible entre le Bénin et le Niger », a simplement prévenu Patrice Talon.