Ce Bénin-là n’était pas l’Eldorado, mais c’était moins risqué !

Arimi Choubadé

L’éditorial d’Arimi Choubadé

Ce pays où des députés pouvaient faire du djembé en plein hémicycle pour empêcher le perchoir de faire siffler le “pin-pan” au palais des gouverneurs ! Ce pays où un député molesté puis arrêté et menotté par une police de zèle au cours de la marche contre la Lepi. Député victorieusement relâché par le juge à l’issue d’une audience épique ! Ce pays où des magistrats et d’autres syndicalistes pouvaient battre le macadam en dansant et en parodiant le régime afin de défendre le droit de faire grève. Où l’avocat d’un opposant mystérieusement disparu pouvait affirmer publiquement en marge du procès que “toutes les pistes mènent à la présidence de la République” ! Où un opposant pouvait défier le chef de l’État en le menaçant d’aller le chercher dans son bureau au palais le jour de l’expiration de son second mandat si jusqu’à midi il n’avait pas déjà libéré les lieux ! Où la ville de Cotonou et ses environs sont mis à feu parce qu’un futur opposant serait mis en garde à vue pour moins de 24 heures seulement ! Ce Bénin a existé !

Et pourtant, ce régime Yayi n’était pas celui de la grande épopée où coulaient le lait et le miel. Un régime qui a commencé en avril 2006 avec l’aide d’un certain Patrice Talon. L’odyssée entre les deux hommes s’est poursuivie jusqu’à la tentative d’empoisonnement en 2012-2013 en passant par un KO traumatique en 2011. Les Béninois ont eu droit à l’époque, grâce au député Janvier Yahouédéhou, à une démonstration magistrale, lors d’intenses débats parlementaires, de comment les marchés publics étaient partagés entre coquins. Mais la dictature de la majorité n’a jamais pu être décrétée, malgré le vœu d’éternité au pouvoir à travers le slogan fétiche “après nous, c’est nous”.

Même si le pays était passé par presque toutes les émotions sous Yayi, jamais personne ne pouvait imaginer que des Béninois pourraient être fauchés par des balles réelles de la puissance publique en contestant des élections d’exclusion dans les rues. Ici, il ne s’agit pas de disparition mystérieuse, de bavures policières dans une coopérative agricole ou d’assassinats non élucidés. Sous la rupture, les forces armées béninoises livrent des combats meurtriers contre des citoyens béninois, avec des morts béninois de part et d’autre, sur le sol béninois, s’il vous plaît. Et pour couronner le tout, la dictature de la majorité décide de prendre une loi d’amnistie dans le seul but d’effacer les tueries à relents politiques de 2019. Le Père Éric Aguénounon a parlé de “Démocrature Assumée” (confer Le Pouvoir du Déni : Chronique d’une Démocrature Assumée).

Point n’est besoin désormais de se cacher pour piétiner notre vivre-ensemble. Ça réprime ; ça emprisonne à tour de bras ; ça renvoie en exil ; et ça crâne par-dessus le marché. 5 ans n’est plus 5 ans ; mandat unique devient deux mandats intercalés de 45 jours. Ne pas être en phase avec le pouvoir devient un casus belli. Y être et avoir des envies d’émancipation et ou de succession équivaut à une terrible offense. Chaque parole, chaque écrit, chaque exclamation sur la gouvernance calamiteuse en cours… exposent le coupable à d’implacables mesures de rétorsion. C’est le moment de se souvenir qu’il y a encore quelques années on pouvait prendre la rue sans risque d’attraper une balle réelle à bout portant.

Mais ça, c’était avant !

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