Le procès dans l’affaire dite de tentative de coup d’État contre le président béninois a repris ce mardi 28 janvier 2025 devant la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET). Après une suspension de l’audience le 23 janvier, pour permettre aux prévenus de chercher de nouveaux avocats, l’affaire continue d’attirer l’attention, avec de nouveaux rebondissements.
À l’ouverture de l’audience ce mardi, la question de l’absence d’avocats pour les prévenus est rapidement devenue un point central. La Cour a constaté que ni Boko ni Homéky, ni les autres prévenus n’avaient encore trouvé d’avocats, malgré le délai de cinq jours accordés pour la constitution de nouveaux conseils. Le ministère public a ensuite requis la poursuite des débats, soutenant que la défense des accusés semblait intentionnellement bloquer l’avancement du procès.
Le procureur spécial, Mario Mètonou, a dénoncé une stratégie délibérée visant à ralentir la procédure. Il a souligné que les prévenus avaient largement eu le temps de se constituer des avocats, mais qu’ils avaient choisi de ne pas le faire. Selon le procureur, cette situation ne justifiait pas un report supplémentaire, et il a insisté pour que les débats continuent sans défense.
De la défense sans avocats : la réponse de Boko et Homeky
Face à ces accusations, Olivier Boko a expliqué qu’il avait tenté de contacter ses anciens avocats, mais qu’ils avaient été empêchés de le voir en raison de restrictions imposées par l’administration pénitentiaire. Selon lui, le délai accordé ne lui permettait pas de s’attacher les services de nouveaux avocats. De son côté, Oswald Homéky a affirmé avoir pris contact avec maître Baba Body et un avocat à l’étranger, mais des complications administratives auraient rendu impossible le projet.
En dépit de ces explications, la Cour a décidé de poursuivre les débats, comme voulu par le ministère public, sans la présence des avocats de la défense. La situation a conduit à la première convocation de témoin, le commissaire de deuxième classe Victorien Nounagnon, chef de l’antenne sud de la brigade criminelle. Ce dernier a relaté les résultats de son enquête, qui a conduit à l’arrestation de Homéky et Boko dans la nuit du 21 janvier 2025.
Les deux accusés refusent de faire leurs dépositions sans un conseil pour les défendre.
Le défilé des témoins à la barre
L’enquête a révélé que Homéky avait tenté de coordonner des actions en vue d’un coup d’État avec l’aide du commandant de la Garde républicaine. Le commissaire explique que c’est suite à une alerte qu’il a procédé à des arrestations, dont celle de l’ancien ministre Oswald Homeky et d’Olivier Boko, qui sont les supposés instigateurs. Le commissaire a également détaillé les retraits d’importantes sommes d’argent, dont une grande partie aurait été transportée dans un véhicule immatriculé au Togo, dans lequel se trouvait Boko. Les autorités ont retrouvé six sacs remplis de billets, pour une valeur estimée à près de 20 millions de FCFA. L’enquête révèle que les fonds, retirés par des employés de Rock Niéri, ont été envoyés au domicile de Homeky, où des sacs remplis de billets ont été découverts.
Colonel Dieudonné Tévoédjrè, rappel des faits
Dans son témoignage, le commandant de la Garde républicaine, le colonel Dieudonné Tévoédjrè, a révélé sa proximité avec l’ancien ministre Homéky. Il a expliqué ses relations avec Oswald Homéky, notamment des réunions à huis clos où l’ex-ministre aurait évoqué l’idée de renverser le président Talon, avec la promesse de lui offrir un soutien financier. Tévoédjrè a précisé qu’il avait été informé de la planification d’un coup d’État, avec des détails sur les rôles et les financements.
Il aurait accepté d’en discuter et de participer au coup d’État. Il a indiqué avoir élaboré un plan avec Homeky et d’autres membres, en vue de renverser le régime le 27 septembre 2024, à la veille du départ du président pour le sommet de la Francophonie.
Le colonel a également souligné que, bien qu’il ait été en contact avec Homéky, il n’avait pas échangé avec Olivier Boko à ce sujet. Il a enfin précisé que, selon les plans discutés, Homéky et ses complices avaient prévu de répartir les rôles dans un gouvernement parallèle, avec la Garde républicaine à la tête de la junte.
Le vendeur de la voiture Prado à la barre
Le directeur de l’entreprise ayant vendu la voiture Prado à l’ex-ministre est ensuite convoqué. Il confirme que l’ancien ministre a pris possession du véhicule le 21 septembre 2024, après l’avoir commandé en juillet. Cependant, le paiement n’a pas été effectué à ce jour.
L’un des gardiens du domicile de Homeky
Un gardien du domicile de Homeky, présent lors de l’interpellation, témoigne à la barre. Il décrit les événements de la nuit du 23 septembre 2024, indiquant que la résidence a accueilli plusieurs visiteurs, dont un véhicule qui est arrivé aux alentours de 22h04, avant que le Colonel Tévoédjrè n’arrive à 00h59. Ce dernier est reparti vers 1h30 avec l’ex-ministre.
Le comptable de Rock Niéri
Le comptable de la société de Rock Niéri, Hugues Adjigbékou, témoigne à son tour. Il confirme avoir retiré plusieurs millions de FCFA à la demande de son patron entre juin et septembre 2024. Ces fonds étaient supposés servir à la réalisation de travaux publics, mais il a été surpris d’apprendre qu’ils étaient liés à l’affaire du coup d’État.
Le gérant de la société de Rock Niéri
Corneille Gbaguidi, le gérant de la société de Rock Niéri, déclare à la barre qu’il n’a jamais été impliqué dans des discussions politiques et qu’il a uniquement signé des contrats et des chèques pour la société. Il nie avoir connaissance des intentions politiques de Rock Niéri et se dit surpris par les accusations.
Le procès se poursuit, avec des interrogatoires de témoins et des débats sur l’implication de chaque accusé dans le présumé complot contre l’autorité de l’État. La Cour doit encore déterminer la suite des procédures, alors que les enjeux politiques et judiciaires de cette affaire, considérables, relèvent la complexité du dossier.