Sa disparition à l’orée de la prise du pouvoir politique par l’homme d’affaires Patrice Talon avait suscité moult interprétations. Si pour certains, l’intrépide Cyprien Koboudé du défunt Parti Social Démocrate présidé par Emmanuel Golou avait été réduit au silence par le régime de la rupture, d’autres, des proches à lui, étaient au courant de ses motivations. La réalité, révèle-t-il, ce lundi 02 septembre 2024, via un manifeste largement diffusé sur les réseaux sociaux, est que l’homme avait vu le mal venir de loin et avait préféré prendre ses distances vis-à-vis du régime de la rupture dont les premières heures témoignaient, à l’en croire, de la poursuite des mêmes atrocités reprochées à Yayi Boni. Dans ce manifeste titré « Il y a un temps pour tout », il annonce solennellement son retour et appelle tous les Béninois épris de justice et de bonne gouvernance à s’allier à lui pour une lutte sans merci contre le pouvoir qui a sacrifié « sur l’autel de la beauté des infrastructures… les fondamentaux de notre société ».
En 2016, lors du deuxième tour des présidentielles opposant Lionel Zinsou à Patrice Talon, une grande coalition avait été formée autour du candidat de la rupture pour porter l’homme à la victoire. Sébastien Ajavon, Atao Hinnouho et bien d’autres en feront très tôt les frais. Cyprien Koboudé, tel un prophète, avait déjà en 2016 la préscience de tels dérapages et avait dû se rétracter à l’annonce de l’adhésion de son PSD à « la grande mouvance appelée “La Rupture” ». Il raconte : « J’avais choisi de m’éloigner en raison des méthodes employées pour accéder au pouvoir, des méthodes qui m’ont fait comprendre qu’il était prêt à tout pour s’assurer sa position. […] Je pressentais que le Président Patrice Talon n’épargnerait aucun moyen pour protéger son pouvoir. […] N’ayant aucune confiance dans cette nouvelle offre politique, je n’ai pas accordé de période de grâce. Dès le début, j’ai partagé mes réserves et critiques du régime avec mes camarades de parti et amis. Je voyais dans les premières pratiques de ce nouveau régime une continuité des dérives que j’avais combattues sous le Président Yayi Boni. »
Ce choix opéré par Cyprien Koboudé lui a valu beaucoup d’inimitiés, si bien qu’il a dû sacrifier des amitiés et des liens plus forts que le sang puisque beaucoup ne comprenaient pas sa prise de position. Certains poussaient loin le cynisme et proféraient des menaces à son encontre ; des gens qui, révèle-t-il, « se croyaient plus royalistes que le roi ». Huit années après, les faits lui ont donné raison.
Pure clairvoyance !
Telle une prophétie, les craintes de l’acteur politique se sont avérées. Quelques mois après son accession à la Marina, Patrice Talon a fait exactement comme l’avait prédit Cyprien Koboudé. Une avalanche de « lois antisociales » avaient été éditées après l’investiture. S’en est suivi la triste « épisode de l’arrestation manquée de Sébastien Ajavon » qui, pourtant, s’étaient illustré des mois plus tôt comme le faiseur de roi, dont le concours a été précieux pour la victoire écrasante de Patrice Talon le 21 mars 2016. Suite à ces événements, Cyprien Koboudé a « décidé de s’éloigner » pour de bon en quittant « le territoire à l’époque », espérant que l’avenir lui « donnerait tort ». « Hélas, déplore-t-il, le constat que je fais aujourd’hui est encore plus catastrophique que ce que j’avais imaginé. Les fondamentaux de notre société ont été sacrifiés sur l’autel de la beauté des infrastructures. Oui, le pays est en chantier, le pays est beau, mais la majeure partie de la population a faim. Les actions du programme “Hautement social” manquent cruellement d’impact. Il est devenu difficile d’exprimer ses opinions sans crainte d’être inquiété ».
Plus acerbe, Cyprien Koboudé renchérit : « Ce que le Président Talon a le mieux réussi, c’est de réduire au silence les leaders politiques qui l’ont aidé à démanteler les partis pour accéder au pouvoir. Il a compris que pour sécuriser son régime, il devait neutraliser toute opposition potentielle. » Les faits lui ont donné raison sur toute la ligne. La politique de Patrice Talon a montré qu’il ne s’était nullement trompé en faisant ce break qui lui a valu tant d’inimitiés. Que faire à présent ?
« Il y a un temps pour tout »
Il y a un temps pour se replier sur soi et observer. Il y a un autre pour dire non. A en croire Cyprien Koboudé, l’heure a sonné pour que les agissements du gouvernement de Patrice Talon soient dénoncés véhément « Face à cette situation alarmante, que devons-nous faire ? Devons-nous continuer à nous taire face aux abus et aux dérives de ce régime, alors que notre quotidien devient de plus en plus difficile ? Devons-nous laisser notre unique pays être décimé par un régime qui sacrifie nos valeurs fondamentales ? », s’interroge-t-il avant d’inviter les citoyens béninois à le rejoindre pour une lutte efficace contre les dérives dictatoriales du pouvoir en place : « Je crois qu’il est temps de se lever à nouveau pour sauver ce qui peut l’être encore. Avec des amis et des camarades, nous avons décidé de nous engager à nouveau. Si, comme moi, vous pensez que notre pays est en péril, je vous invite à nous rejoindre pour structurer ensemble un nouvel avenir, où justice sociale, liberté d’expression et bien-être collectif ne sont plus des vains mots. »
Le manifeste de Cyprien Koboudé sonne comme une ode à la lutte pour la préservation des acquis démocratiques dont a hérité le président Patrice Talon et dont il semble à présent se foutre pour des intérêts égoïstes. L’acteur politique fustige l’altération des valeurs que s’est chèrement construites notre pays au fil des ans, des revendications et des sacrifices, depuis la conférence nationale des forces vives de la nation. Aussi, a-t-il lancé un appel vibrant à ceux qui, épris de justice et de bonne gouvernance, voudraient dire leur ras-le-bol face à toutes incertitudes générées par le gouvernement de Patrice Talon.