Le 1er août 2024, l’organisation internationale de défense des droits humains qui milite, entre autres, pour la libération des prisonniers d’opinion, le droit à la liberté d’expression, l’abolition de la torture, a rendu public un rapport qui détaille « les conditions de détention inhumaines » des prisonniers au Bénin. Au rang des abus recensés, la surpopulation carcérale qui fait des victimes dans le rang des personnes incarcérées.
« Les autorités béninoises doivent prendre des mesures immédiates et efficaces pour respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains afin d’améliorer les conditions de détention ». C’est l’une des recommandations sur lesquelles s’ouvre le rapport d’Amnesty International datant du 1er août 2024. L’organisation en est arrivée à cette conclusion à cause de nombreuses remarques faites dans les onze prisons du Bénin visitées par ses enquêteurs.
D’après les informations recueillies et publiées, les conditions de détention restent « inhumaines et inacceptables » puisqu’elles ne sont pas conformes aux Règles Nelson Mandela. Aussi, Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, mentionne-t-elle : « Les autorités béninoises doivent respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains et se conformer aux Règles Nelson Mandela des Nations unies en remédiant de toute urgence à la surpopulation carcérale et en améliorant ’accès aux soins de santé et à l’eau potable ».
En 2023, selon le directeur de l’Agence Pénitentiaire du Bénin, le Bénin comptait 18 170 détenus répartis dans les onze prisons du territoire national. Mais chacun de ces pénitenciers, révèle Amnesty International, serait si surpeuplé que les pensionnaires, dans leur grande majorité, dormiraient « sur le sol, sur le côté, sans possibilité de se retourner ». Dans d’autres cas, « un seul matelas individuel peut être occupé par trois ou quatre personnes ».
A titre illustratif, le rapport mentionne le cas des prisons de Porto-Novo, de Missérété, de Cotonou, etc. Ne disposant que d’un millier de places, la prison de Missérété, en 2023, abritait 3 742 détenus, « soit près de quatre fois sa capacité ». Pour 250 places, celle de Porto-Novo hébergerait six fois plus de personnes, soit 1 554 détenus. La prison de Cotonou ne dérogerait nullement à cette règle puisqu’elle comptait 1 595 personnes incarcérées au lieu des 700 réglementaires à en croire le rapport d’Amnesty International qui ajoute que « les bâtiments partagés par des centaines de détenu.e.s n’ont que d’étroites ouvertures qui ne permettent pas une aération suffisante », « la plupart des prisons … visitées » par l’équipe de l’organisation internationale n’étant « pas équipées de ventilateurs, malgré la chaleur excessive ».
Quid des conséquences de ces effectifs pléthoriques ?
L’entassement de prisonniers dans les pénitenciers a des conséquences sur les victimes. A en croire les 500 détenus interrogés, entre le 19 juin et le 21 juillet 2023, par Amnesty International au Bénin, les vagues de chaleur seraient si intenses que beaucoup d’entre eux auraient fait le choix des moyens de bord. « Nous achetons de la glace et nous nous passons l’eau fraîche sur le corps », a déclaré une détenue de la prison de Porto-Novo. Dans cette prison, Amnesty International dit avoir « constaté la présence de ventilateurs non fonctionnels, dont certains tournaient au ralenti, sans aucun effet sur la chaleur ressentie dans les bâtiments ». La majorité des cellules se sont pas bien aérées.
Cette situation, ajoutée à la surpopulation, constitue, à n’en point douter, le terreau idéal pour le développement des bactéries de toutes sortes. L’air infesté et « irrespirable », les prisonniers sont vulnérables, exposés à diverses maladies. « A la prison de Porto-Novo, les femmes urinent et défèquent dans des pots qu’elles utilisent également comme oreillers. Les hommes utilisent un petit tonneau placé au centre d’un des bâtiments, dont la seule ouverture est la porte d’entrée », rapportent les enquêteurs.
Les bouffées de chaleur occasionnées par ces conditions de détention exposent également les prisonniers à d’autres dangers. Pour cela, Samira Daoud a déclaré : « En cette période de chaleur record, les autorités béninoises doivent prendre des mesures urgentes et efficaces pour éviter que les prisons du pays ne deviennent des mouroirs ».
Pour le moment, ni Yvon Détchénou – Ministre de la Justice et de la Législation du Bénin–, ni François Hounkpè, directeur de l’Agence Pénitentiaire du Bénin, n’ont encore réagi face à ce chapelet d’accusions faites par Amnesty International. Quand bien même l’organisation aurait offert l’opportunité au Ministre de répondre, il aurait gardé son silence et n’aurait jamais répondu au courrier à lui adressée le 4 juillet 2024. Toutefois, Amnesty International se console de la décision du gouvernement annoncée au conseil des ministres 20 jours plus tard, soit le 24 juillet 2024 : une « contractualisation pour une mission de maîtrise d’œuvre complète dans le cadre du projet d’extension et de réhabilitation de cinq maisons d’arrêt. »