19 septembre 2024

Bénin : la réforme de la décentralisation déjà à l’épreuve de la mauvaise gouvernance ?

Bénin : La réforme de la décentralisation déjà à l’épreuve de la mauvaise gouvernance ?

Quelques mois seulement qu’une réforme dite profonde du secteur de la décentralisation a été opérée de force par le président Patrice Talon. Alors qu’elle devrait permettre, dit-on de développer les collectivités territoriales notamment à travers la lutte contre la mauvaise gouvernance, quelques mois après sa mise en application, cette réforme structurelle présente déjà ses failles.

En conseil des ministres ce mercredi 12 avril 2023, le gouvernement du président Talon a prononcé la révocation de trois secrétaires exécutifs de mairies désignés seulement en avril 2022. Il s’agit de Moutawakilou Assan Aoudou de la mairie de Houéyogbé, Nestor Manonwomeh Bossou de la mairie de Cotonou et Patrice Lafia de la mairie de Sèmè-Podji.

Selon le point de la rencontre hebdomadaire du gouvernement de Patrice Talon, cette décision interviendrait à la suite d’une mission de la Cellule de suivi et de contrôle de la gestion des communes. « Il leur est reproché des actes constitutifs de violation des règles de déontologie administrative, de l’orthodoxie financière, d’abus de pouvoir et/ou d’atteinte grave aux intérêts de la commune », indique la même source.

Le Secrétaire exécutif de la commune de Houéyogbé aurait agi au mépris des directives du ministre de l’Economie et des Finances ordonnant la clôture de ces comptes. « Il s’est en outre rendu coupable d’avoir autorisé, pour un montant de 9.071.500 FCFA, des opérations de décaissement sur les comptes tenus dans les livres de la CLCAM de Houéyogbé, en violation des dispositions de l’article 390 du code de l’administration territoriale qui habilite, seul, le trésorier communal pour effectuer les opérations de recettes et de dépenses de la commune. Un tel comportement traduit une volonté délibérée de passer outre l’orthodoxie financière ».

En ce qui concerne le Secrétaire exécutif de la commune de Cotonou, il se serait immiscé dans la procédure de passation du marché relatif à la réhabilitation des installations du réseau d’éclairage public de la ville de Cotonou à l’occasion de la fête du 1er août 2022, « à une étape qui n’était en rien concernée par ses fonctions ». Ce faisant, « il a outrepassé ses prérogatives par des recommandations et/ou instructions, lesquelles ont prévalu dans l’attribution du marché à un prestataire à un coût plus onéreux pour la commune. De même, il lui est reproché d’avoir approuvé un marché d’acquisition de véhicules au profit des services de la mairie, des responsables et du Trésorier communal, en violation de la réglementation sur la gestion du parc des véhicules et autres équipements motorisés de l’Etat».

Quant au Secrétaire exécutif de la commune de Sèmè-Podji, « il est mis à sa charge le fait d’avoir approuvé, pour un montant de 54.280.000 FCFA TTC, un contrat de marché pour lequel les crédits nécessaires n’étaient pas prévus au budget de la commune et ce, en dépit des dispositions du code des marchés publics qui font expressément de l’absence ou de l’insuffisance de crédit, un motif de refus d’approbation des marchés. Ce faisant, il a engagé la commune dans l’exécution d’une dépense malgré l’absence de ressources.

Il est par ailleurs responsable de l’approbation de sept (07) contrats de marchés sans le visa du contrôleur financier alors que dans l’organisation de la chaîne de passation des marchés publics et, conformément à la règlementation, l’intervention du contrôle financier, vise à faire une vérification portant notamment sur la disponibilité de crédit et l’imputation de la dépense. Cette précaution est fondée sur la nécessité de prémunir l’autorité approbatrice des erreurs de gestion et de préserver les ressources publiques », détaille le point du Conseil des ministres.

Et pourtant, c’est l’épineux problème que Patrice Talon dit vouloir résoudre avec son projet de réforme de la décentralisation, qui en réalité n’a fait qu’augmenter les charges financières du pays. Depuis un an environ, des responsabilités alors confiées aux maires, sont assurées par ces secrétaires exécutifs : le retrait du pouvoir d’ordonnateur de budget aux maires, faisant du Secrétaire exécutif, nouveau patron des finances communales. Désormais, il faut payer et le maire et le secrétaire exécutif. Et pour quel rendement ? Les résultats sont là après seulement, un an d’expérience.

Le projet tant défendu par Patrice Talon qui est destiné à éliminer la mauvaise gestion des ressources des communes, en vue de mieux répondre aux besoins des populations est-il devenu le siège même de la mauvaise gouvernance ? En tout cas, les cadres dits qualifiés selon Patrice Talon, à la disposition de nos communes en brandissent déjà les preuves.

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