À travers la décision DDC 24-083 du 23 mai 2024, la Cour constitutionnelle du Bénin a déclaré conforme à la Constitution deux décrets controversés du président Patrice Talon. Lesdits décrets sont relatifs à la création d’un collège de ministres conseillers à la présidence.
Il s’agit des décrets n°2024-006 et n°2024-007, datant du 9 janvier 2024 et portant respectivement sur la création, les attributions, l’organisation et le fonctionnement du collège des ministres conseillers à la présidence, ainsi que sur la définition des secteurs d’intervention de ces ministres. Ces textes ont été contestés par plusieurs parties, dont des juristes et des partis d’opposition, qui ont déposé des recours devant la Cour constitutionnelle, invoquant une violation de la constitution béninoise.
Dans leur requête du 04 février 2024, « madame Miguèle HOUETO, messieurs Landry A. ADELAKOUN, Romaric ZINSOU, Fréjus ATINDOGLO et Conaïde AKOUEDENOUDJE, forment un recours en inconstitutionnalité du décret n°2024-006 du 09 janvier 2024 […] pour violation du principe d’égalité ». Dans un recours déposé le même jour à la Cour Constitutionnelle, le parti d’opposition Les Démocrates attaque les deux recours de Patrice Talon, pour « violation du principe d’égalité des citoyens devant la loi et non-conformité à la Constitution ». Deux autres recours ont été déposés contre ces décrets.
En effet, le décret n°2024-006 du 09 janvier 2024 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du collège des ministres conseillers à la présidence de la République énonce, en son article 4 : « Le ministre conseiller est un collaborateur du Président de la République, il est nommé par décret du Président de la République, sur proposition des partis politiques membres de la majorité présidentielle à Assemblée nationale ou soutenant les actions gouvernementales ». Selon les requérants, la création de ce collège de ministres conseillers occasionnerait un traitement inégal entre les citoyens, en créant des postes de hautes responsabilités sans suivre les procédures habituelles de nomination.
« Se fondant sur le Préambule de la Constitution, par lequel le peuple béninois a réaffirmé son « opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel », ils estiment que le Président de la République a opéré une rupture d’égalité, en ouvrant la possibilité de faire des propositions de candidats aux fonctions de ministres conseillers qu’aux seuls partis politiques de la majorité présidentielle », indique la décision de la Cour. Ils déduisent que le président Patrice Talon a « violé le principe de la neutralité de l’administration et a créé une discrimination fondée sur l’appartenance politique ». Ils soutiennent également que « les ministres conseillers sont des hauts fonctionnaires de l’Etat dont la nomination ne peut intervenir qu’en Conseil des ministres, en application de l’article 56 de la Constitution ; Or, le décret querellé donne la possibilité au Président de la République de pourvoir aux fonctions de ministres Conseillers sans consulter le Conseil des ministres et en dehors de la liste des hauts fonctionnaires de l’État prévue par la loi organique n°2010-05 du 03 septembre 2010 fixant la liste des hauts fonctionnaires de l’État dont la nomination est faite par le Président de la République en Conseil des ministres ». Les requérants ont demandé à la Cour, « sur le fondement des articles 3, 37 de la Constitution, 28 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle et 28 du règlement intérieur de la Cour constitutionnelle, de dire et juger que le décret querellé viole les articles 26, 56 de la Constitution et 13 de la CADHP ».
Face à ces récriminations, le président Patrice Talon « soutient que l’initiative de nomination d’un ministre conseiller relève de son pouvoir discrétionnaire et ne peut être assimilée à une discrimination ». Il a expliqué que les ministres conseillers étaient des collaborateurs du chef de l’État et que, par conséquent, leur nomination ne nécessitait pas l’avis du Conseil des ministres. Talon a demandé aux sept sages de la Cour constitutionnelle de déclarer les décrets conformes à la constitution.
Dans sa décision du 23 mai 2024, la Cour constitutionnelle a jugé que les décrets n°2024-006 et n°2024-007 sont conformes à la constitution. La Cour a notamment souligné qu’il n’y avait aucune violation de l’article 56 de la constitution, ni de la loi organique n°2010-05 du 3 septembre 2010 qui fixe la liste des hauts fonctionnaires. Les juges de la Cour ont indiqué que la nomination des ministres conseillers, telle que définie par le décret n°2024-006, ne nécessitait pas l’avis du Conseil des ministres. Ils ont expliqué que ces ministres conseillers seront des collaborateurs du chef de l’État en service à la présidence de la République et que, par conséquent, il n’est pas obligatoire qu’ils soient des hauts fonctionnaires de l’État. La Cour a également rejeté l’argument de violation du principe d’égalité, affirmant qu’il n’y avait pas de rupture de ce principe. En outre, elle a jugé que le droit de tout citoyen à participer librement à la direction des affaires publiques ne peut être invoqué que dans le cadre électoral et ne s’applique pas aux nominations politiques.