Bénin : la Constitution interdit-elle une conférence nationale ?

Arimi Choubadé

L’éditorial d’Arimi Choubadé

Le Président Patrice Talon le croit dur comme fer. « La constitution actuelle interdit la consultation du peuple par voie de conférence nationale à caractère décisionnel », a-t-il martelé dans un entretien télévisé avec une référence à l’article 4 de la Constitution. Très sérieusement.

Une lecture du fameux article 4 révèle que le Chef de l’État n’avait certainement pas lu ou compris le texte avant sa déclaration et qu’il ne s’agissait que d’une sorte de paraphrase, voire d’interprétation de sa part. Voici ce que dit l’article 4 de la Constitution : « Le Peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie de référendum. Les conditions de recours au référendum sont déterminées par la présente Constitution et par une loi organique. La Cour Constitutionnelle veille à la régularité du référendum et en proclame les résultats ». Rien de plus.

Nulle part ne sont évoqués “conférence nationale”, “assises” ou “dialogue”. De tout le texte de la Constitution, il n’y a que dans le préambule qu’apparaît, subrepticement, l’expression “conférence nationale”. Des autres expressions sus-citées, aucune mention même après la révision de 2019. Ce n’est donc ni interdit ni expressément prévu. Le Chef de l’État a fort justement rappelé que les seuls modes de consultation du peuple sont le référendum ou le biais de ses représentants élus. Ce qui ne l’a pas empêché pourtant de tenir un dialogue politique sans “caractère décisionnel” avec une partie de la classe politique, du 10 au 12 octobre 2019 en prélude à la révision de la Constitution. Bien que ces assises aient été présentées comme nationales nonobstant l’exclusion manifeste de l’opposition.

Ainsi donc, si ces expressions citées supra ne semblent pas appropriées pour le régime, il peut en élargir le répertoire à d’autres vocables de sa convenance : “jamboree”, “colloque”, “séminaire”, “symposium” ou tout autre “conclave” outre son “dialogue nationaldu genre de 2019, mais en faisant en sorte que les invitations soient assez représentatives des différents courants en présence, cette fois-ci.

L’essentiel est de trouver le round d’échanges entre gens de bonne foi. Les conclusions pourraient préciser les mécanismes de mise en œuvre des points d’accord par les institutions républicaines sans que la souveraineté du peuple ne soit galvaudée ou écorchée. Le principe d’animation de la vie publique n’a jamais exclu que les acteurs se parlent entre eux. Se parler, s’écouter et agir en conséquence en respectant l’ordre constitutionnel. Se parler ne saurait s’assimiler à un coup d’État.

En 1990, la souveraineté de la conférence nationale a été proclamée parce que la loi fondamentale était devenue désuète dès décembre 1989 lorsque la décision a été prise que le parti unique, le PRPB, ne dirigerait plus l’État. Il fallait forcément proclamer une nouvelle République, ce qui a été fait lors de l’historique conférence des forces vives de la nation de février 1990. Ce qui n’est pas le cas en 2025 même si les signes d’un délitement de l’État rupturien sautent à l’œil. Et puis le protocole additionnel de la CEDEAO de 2001 est devenu une brèche de tout accord politique national en son article 2 : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ».

Comment peut-on obtenir une  «large majorité des acteurs politiques » sans les réunir ?

« Pour faire la paix, il faut être au moins 2. »

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