Les magistrats remplacés avaient la réputation d’être très dévoués à l’ex-garde des sceaux. Plusieurs sources ont indiqué à Olofofo qu’ils lui obéiraient au doigt et à l’œil
Maître Yvon Détchénou n’est en place que depuis cinq (5) mois, mais la patte et l’empreinte de l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Bénin sur la maison Justice se font déjà sentir. Nommé le 17 avril 2023 en remplacement de son confrère Sévérin Maxime Quenum, Yvon Détchénou a accepté les charges en bon connaisseur des dysfonctionnements d’un système judiciaire dont l’image a été sérieusement entamée au cours des cinq dernières années. Où mieux que la CRIET (Cour de Répression des Infractions Économiques, du Terrorisme et des infractions connexes) pour s’attaquer à l’hydre ? Cette juridiction d’exception, créée en 2018, officiellement pour lutter contre le terrorisme et la corruption, a été utilisé comme outil de répression contre les adversaires politiques et les rivaux commerciaux du régime du président Talon. Du syndicaliste Laurent Mètongnon à Réckya Madougou en passant par Joël Aïvo, Lionel Zinsou, Léhady Soglo ou encore Sébastien Germain Ajavon, la CRIET a distribué sans sourciller, de lourdes peines à toutes les personnalités identifiées comme représentant une menace pour le monopole politique ou économique du président Patrice Talon en personne, ou pour des caciques de son régime.
Cinq mois presque jour pour jour après sa nomination, plusieurs figures emblématiques de cette juridiction ont été mutées. Parmi elles, Guillaume Lally, précédemment président de la chambre de jugement de la Criet, a cédé sa place à Célestin Kponnon et rejoindra le tribunal de première instance de Cotonou. Guillaume Lally a inscrit son nom au bas de nombreux verdicts jugés scandaleux contre des adversaires politiques du régime. Mais il y a également le juge Rodolphe Azo, devenu célèbre pour avoir rendu des verdicts tout aussi incompréhensibles dans des affaires que les spécialistes essayent encore de comprendre. Rodolphe Azo est désormais simple conseiller à la cour d’appel de Cotonou. Ont été nommés également deux magistrats instructeurs à la chambre d’instruction de la CRIET. Il s’agit de Georges Gbaguidi et de Nicodème Vigan, deux magistrats qui intervenaient déjà à temps partiel au niveau de la cour.
« Quelles qu’étaient les affaires, ils rendaient textuellement les décisions que le ministre Quenum voulait »
À en croire le juge Essowé Batamoussi qui avait démissionné de ses fonctions de juge des libertés et de la détention à la Criet en 2021, Maxime Quenum était le véritable artisan des décisions rendues par la Criet. « Il m’avait appelé depuis son bureau pour me reprocher d’examiner de trop près le dossier de la candidate des Démocrates, et m’a ordonné de confirmer le mandat de dépôt émis contre madame Réckya Madougou », avait-il révélé sur le plateau de France 24 peu après son départ en exil.
Les magistrats remplacés dernièrement avaient la réputation d’être très dévoués à l’ex-garde des sceaux Sévérin Maxime Quenum. Plusieurs sources ont indiqué à Olofofo qu’ils lui obéissaient au doigt et à l’œil : « quelles qu’étaient les affaires, ils rendaient textuellement les décisions que le ministre Quenum voulait », ajoute la même source qui précise qu’il en reste encore quelques-uns dans les rangs de la Cour. À qui pensait-il en particulier ? Difficile de s’avancer. Mais un avocat qui a défendu plusieurs hommes d’affaires et quelques politiciens devant cette juridiction, suggère que l’assainissement de la CRIET devrait commencer par son Parquet. En effet, le Procureur Spécial dépend administrativement du ministre de la Justice et, à ce titre, il a été la plaque tournante de toutes les procédures douteuses ayant visé les adversaires politiques ou économiques du régime.