Les déclarations de la victime au procès-surprise de ses kidnappeurs mettent à mal la procédure initiée au Togo contre le Directeur Général du CNIN et ses complices présumés. Alors que les autorités judiciaires togolaises ont clairement bâti leur enquête d’information judicaire sur Ouanilo Médégan Fagla, Steve Amoussou n’a pu l’identifier face au procureur de la CRIET.
Devenue l’affaire ‘’Steve Amoussou’’ après avoir été pendant quelques jours l’affaire ‘’Frère Hounvi’’, ce dossier explosif va de rebondissement en rebondissement depuis son apparition. Dernier épisode, ce procès qui s’est ouvert à la surprise générale devant la CRIET ce mardi 03 septembre 2024. La cour s’est réunie pour connaître de l’enlèvement de monsieur Steve Amoussou, neuf jours après l’annonce du mandat d’arrêt international lancé par la justice togolaise contre quatre des ravisseurs présumés de monsieur Amoussou, dont Ouanilo Mèdégan Fagla, directeur général du Centre National d’investigations Numériques (CNIN).
Pourtant dans le box des accusés ce mardi matin, il n’y avait que messieurs Gbaguidi Géraud dit ‘’Jojo’’ et Gnandaho Jimmy, tous les deux entraîneurs de MMA. Le directeur Général du CNIN quant à lui, n’était cité que comme simple témoin, alors que la justice togolaise l’a identifié comme l’acteur-clé de l’enlèvement perpétré dans la nuit 12 août à Lomé.
Ouanilo Médégan relaxé
Si Steve Amoussou a pu formellement identifier les sieurs Gbaguidi et Gnandaho, il a montré en revanche beaucoup moins d’assurance quant à la participation directe du Directeur Général du Centre National des Investigations Numériques à son rapt. « J’ai pu identifier M. Jimmy Gandaho et M. Géraud Gbaguidi. Les deux autres étaient cagoulés. Je n’ai pu identifier M. Ouanilo Médégan Fagla », confie-t-il à la barre. Faut-il en déduire que le sieur Ouanilo Mèdégan n’a pas participer à l’opération ? Les récits des deux personnes inculpées tendent à penser le contraire. Il serait le principal donneur d’ordre sans qu’il n’ait été possible d’établir formellement sa présence sur le terrain.Toujours est-il qu’il n’en faut pas à la Cour davantage que ce témoignage de Steve Amoussou pour prononcer une mesure de relaxe inédite contre Ouanilo Mèdégan Fagla qui, rappelons-le ne comparaissait qu’en tant que témoin, alors qu’il est dans le collimateur de la justice togolaise.
Pour rappel, le 24 août, le procureur du tribunal de grande instance de Lomé, via la télévision nationale du Togo, a communiqué des informations relatives à l’enlèvement de Steve Amoussou et cité Ouanilo Médégan Fagla comme le cerveau de l’opération contre qui pèse un mandat d’arrêt international.
Steve Amoussou, un escroc ?
L’autre surprise que réservait le procès du 03 septembre, c’est la raison officielle pour laquelle l’opération d’enlèvement de Steve Amoussou aurait été montée. A la surprise générale, l’un des ravisseurs, Jimmy Gandaho, coach à Hêvioxo MMA, reconnaît s’être rendu à Lomé, à la recherche de Steve Amoussou qui aurait escroqué d’une somme importante un certain Marcellin Ayi vivant en Indonésie. A en croire le prévenu, ce dernier lui aurait expressément demandé de se « rendre à Lomé et de tout faire pour retrouver le nommé Steve Amoussou qui lui doit 10.000.000 de FCFA pour une prestation qu’il n’a pas exécutée ».
Jimmy Gandaho déclare avoir honoré le contrat, car Marcellin Ayi lui a promis 30% de la somme et une garantie pour ses sportifs de compétir sur la scène internationale. Selon ses dires, lui et ses complices n’avaient nullement l’intention d’embarquer Steve Amoussou. Ils auraient fait ce choix parce qu’il « avait bu beaucoup de sodabi » la nuit où ils l’ont accosté dans la rue et aurait crié « au secours ».
Le reste du récit fait état de ce que Steve Amoussou a été confié au CNIN dont Jimmy Gandaho a appelé le Directeur Général puisque les ravisseurs ne savaient plus que faire de leur otage après avoir traversé la frontière. Le témoignage de Géraud Gbaguidi corrobore ces déclarations. « C’est une fable », rétorque Steve Amoussou qui nie en bloc les allégations d’escroquerie. Quant à son avocat, Me Aboubakar Baparapé, il réclame 20.000.000 de FCFA de préjudice. La cour condamne Jimmy Gandaho et Géraud Gbaguidi à 24 mois de prison dont 12 fermes et 5.000.000 de FCFA à verser à Steve Amoussou dont le procès est prévu pour le 7 octobre prochain.
Des questions sans réponses
Dans le fond et dans sa forme, le procès-surprise du 3 septembre et son dénouement soulèvent plusieurs questions restées sans réponses. Comme par exemple celle du sort de Steve Amoussou lui-même. Pour des raisons de conflit d’intérêt, le procureur spécial de la Criet annonce avoir dessaisi le CNIN pour confier l’affaire à la Direction générale de la Police Judiciaire. Mais alors, de quoi le CNIN était-il chargé dans les trois chefs d’accusation que le Procureur Mario Metonou avait retenus contre monsieur Amoussou ? Si ce dernier a été officiellement kidnappé pour une affaire d’escroquerie, pourquoi n’a-t-il été inculpé que pour les infractions présumées imputables aux activités du chroniqueur ‘’Frère Hounvi’’ ?
Enfin, si son ‘’arrestation’’ est illégale, autant la police républicaine qui l’attendait à la frontière que le procureur spécial qui l’a inculpé et placé sous mandat de dépôt devraient être logiquement en position de recel de crime.
Pourquoi alors, le juge du procès du 3 septembre n’a-t-il pas ordonné la remise en liberté immédiate du prévenu ? Pour beaucoup d’observateurs, ce procès n’a été organisé que pour tenter d’éteindre le feu déclenché par la procédure togolaise, et blanchir l’image du principal acteur de la lutte contre la cybercriminalité au Bénin.