La tension politique entre le Bénin et le Niger connait un nouveau pic depuis que le gouvernement a interdit l’embarquement du pétrole nigérien depuis le port pétrolier de Sèmè tant que la frontière entre les deux pays ne sera pas totalement ouverte. Patrice Talon s’est adressé à la presse le mercredi 08 mai 2024 pour justifier cette décision et poser les conditions pour que l’exploitation du pipeline soit bénéfique au Niger. Ce jeudi 09 mai, c’est au tour de son ancien ministre des Affaires étrangères de se prononcer sur la situation. Visiblement, Aurélien Agbénonci place les deux pays dans la mauvaise posture.
Coffi Eganhoui
Parti du gouvernement de Patrice Talon il y a un an, l’ancien patron de la diplomatie béninoise se prononce pour la première fois sur une décision des autorités béninoises. Aurélien Agbénonci qui « pensait qu’on était dans une démarche d’apaisement et de retour à la sérénité », se dit « surpris » par la décision de l’État béninois d’interdire ses eaux territoriales aux navires devant embarquer le pétrole venu du Niger. Pour lui, le Bénin, en suivant la CEDEAO, est allé un peu trop fort dans les sanctions infligées au Niger après le putsch contre Mohamed Bazoum, notamment la fermeture des frontières et du Port. Maintenant, au moment où le gouvernement de Patrice Talon s’est rendu compte de son erreur et veut corriger les choses, le « dialogue a été vicié » et la confiance a disparu entre les deux pays.
En effet, dès la levée des sanctions économiques par la CEDEAO, le Bénin a aussitôt rouvert sa frontière à Malanville, mais celle du Niger qui donne sur Gaya est toujours fermée. Mieux, le gouvernement a autorisé la reprise de l’exploitation du port de Cotonou par Niamey. Mais c’était déjà trop tard, la junte nigérienne avait officiellement recommandé à ses opérateurs économiques de se rabattre sur le Port de Lomé (au Togo) pour l’acheminement de leurs marchandises. Une situation qui crée un sérieux manque à gagner à l’économie béninoise, dont une grande partie repose sur les recettes douanières au port de Cotonou. Ce qui fait dire à l’ancien ministre des Affaires étrangères que « le Bénin a sous-estimé l’importance du Niger dans son économie ».
Pour ce qui concerne les accusations de tentative de déstabilisation du Niger, en complicité avec des puissances étrangères à la CEDEAO, avancées par la junte nigérienne, Aurélien Agbénonci indexe la suspicion dans la démarche du Bénin. Il déplore par exemple l’absence de « dialogue direct et sans interférences » entre les autorités des deux pays, de même que la réponse peu convaincante du gouvernement de Patrice Talon sur l’existence ou non de bases militaires françaises au nord du Bénin.
Dans l’urgence, enfin, l’ancien ministre, débarqué du gouvernement il y a douze mois, recommande la désignation rapide d’intermédiaires entre les deux parties afin d’établir le dialogue et trouver une solution. Patrice Talon et la junte militaire du Niger devraient mettre de côté leurs intérêts personnels pour se préoccuper des intérêts des deux pays et de leurs populations. De toute façon, il faut vite trouver une solution et revenir à de bons sentiments entre pays voisins car « personne ne sera gagnant dans cette guerre » et « le projet Pipeline mérite mieux que ce qui se passe », a lancé Aurélien Agbénonci à l’endroit des deux parties.